Incendie du Paris-Opéra : la principale accusée incapable de s’expliquer

Le procès du dramatique incendie de l’hôtel Paris-Opéra en 2005, qui avait fait 24 morts, dont neuf femmes et onze enfants, s’est ouvert jeudi à Paris avec notamment le témoignage de la femme à l’origine du drame, incapable d’éclairer son geste.

Fatima Tahrour, compagne du veilleur de nuit Nabil Dekali, avait quitté l’hôtel, énervée qu’il ne lui prête pas attention après l’avoir fait venir, préférant boire avec des clients et prendre de la cocaïne. Elle avait jeté en partant des habits sur des bougies placées au sol, dans la « salle des petits-déjeuners » où le couple s’installait la nuit sur une couche improvisée.

Mais elle assure ne pas s’être rendu compte de l’incendie, qu’elle n’aurait appris que le lendemain à la radio.

« C’est une question plus que de bon sens », a relancé une énième fois le président Alain Alcufrom. « Comment pouvez-vous jeter des vêtements sur des bougies et penser que ça ne va pas prendre feu ? » « Je n’ai pas réfléchi. Je n’ai pas mesuré la portée de mon geste... Je suis partie tout de suite, je me suis vraiment pas rendu compte ».

Le président pointe des incohérences. Le minutage semble ainsi indiquer qu’elle a quitté l’hôtel après ledéclenchement de l’alarme. Long, très long silence. « Pour moi je n’ai pas pu entendre l’alarme ».

Elle a dit aux enquêteurs avoir vu ou entendu des camions de pompiers ? « Peut-être ». Elle a appelé plusieurs connaissances à la recherche d’un endroit où dormir et a dit à l’une s’être disputée avec son ami et que « l’hôtel brûle ». Faux assure-t-elle.

« Les victimes vont repartir ce soir et n’auront toujours pas compris votre rôle », lui lance un avocat des parties civiles. « C’est lourd à porter. Moi aussi je pense que c’est une catastrophe, je comprends leur douleur ».

Une employée de la préfecture témoin récalcitrant

Au début de l’audience, défense comme parties civiles se sont insurgées contre l’annonce qu’une employée de la préfecture ayant effectué une visite de l’établissement un mois avant le drame refusait de venir témoigner.

« Il s’agit d’une fonctionnaire chargée du contrôle des hôtels, il y a un hôtel qui brûle avec 24 morts et elle ne vient même pas à l’audience ? Mais c’est invraisemblable », a tonné Henri Leclerc, avocat de l’association des victimes. Le tribunal a demandé au parquet « de faire diligence auprès de Mme Decoret pour lui demander de venir ». Le Paris-Opéra était principalement occupé par des familles étrangères précaires, placées notamment par le Samu-Social.

Mais ni les pouvoirs publics, ni les acteurs sociaux, n’ont vu leur responsabilité engagée.

Outre Nabil Bekali et Fatima Tahrour, qui encourent trois ans de prison pour homicides et blessures involontaires, les parents du veilleur, Rachid et Fatima Dekali, gérants de l’établissement, sont également poursuivis, accusés en plus de manquement délibéré aux règles de sécurité (5 ans maximum).

L’hôtel était en effet suroccupé, avec 77 personnes présentes pour une capacité d’accueil fixée à 62. Enfin, Nabil Dekali n’avait pas la formation anti-incendie obligatoire.

L’incendie du Paris-Opéra avait été le premier d’une série dans des hôtels ou meublés de la capitale, abritant majoritairement des étrangers pauvres, qui avait fait 52 victimes en quelques mois et débouché sur un renforcement des normes anti-incendie dans l’hôtellerie.

Onze des personnes tuées l’avaient été en se jetant dans le vide, les pompiers décrivant « une scène apocalyptique » avec « une pluie de corps qui s’était abattue sur la voie publique, des gens paniqués jetant des enfants par la fenêtre ».

Le procès est prévu jusqu’au 22 novembre. Le fils et son ex-petite amie encourent trois ans de prison, les gérants cinq, avec la circonstance aggravante de manquement délibéré aux règlements.

libération.fr avec AFP - 14 novembre 2013


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