Vincent-Auriol, Paris-Opéra, Roi-Doré : Que sont devenus les immeubles incendiés des mal-logés ?

Ce jeudi, s’ouvre le procès de l’incendie de l’hôtel Paris-Opéra. Le premier d’une série meurtrière de trois sinistres ayant fait 48 morts entre avril et août 2005. Logées dans des hôtels ou occupant des squats, ces familles, la plupart africaines, étaient en situation précaire, bien souvent sans papiers.

La succession de ces drames avait poussé les autorités à imposer des règles de sécurité anti-incendie plus sévères dans le secteur hôtelier. Huit ans plus tard, 20 Minutes est retourné au pied de ces immeubles. Sur certains, les murs gardent encore les stigmates d’une nuit où femmes et enfants ont été pris au piège, n’ayant comme ultime geste de survie que de sauter de leurs étages. Pour d’autres, seuls les souvenirs des voisins honorent la mémoire des victimes.

Au numéro 76 de la rue de Provence, rien n’a changé. Les fenêtres des étages supérieurs sont toujours noircies. Pendant longtemps, les scellés sont restés apposés devant l’entrée pour les besoins de l’enquête. Ce modeste hôtel, coincé derrière les Galeries Lafayette, un quartier bondé le jour et désert la nuit à l’exception de quelques dames en fourrure qui vendent leurs charmes, est resté entre les mains de la propriétaire. « Un permis de construire est en cours d’instruction. Il concerne la transformation de cet hôtel en appartements privés », indique à 20 Minutes Pauline Véron, adjointe au maire du 9e.

Peu de monde se souvient de cette nuit du 14 au 15 avril 2005. Et pour cause, la plupart des voisins sont des commerces. Le fleuriste accolé à la façade se rappelle avoir été fermé pendant des mois à cause de l’inondation causée par l’eau des pompiers. La mémoire, il faut aller la chercher à une encablure, dans le square faisant face à l’église de la Trinité. Ici, une plaque commémorative a été dressée avec le nom des 24 morts. « C’est dans ce jardin que les enfants venaient jouer », note Pauline Véron. Cette nuit-là, ils ont été onze à périr dans les flammes.

Impossible de reconnaître l’immeuble incendié dans lequel 17 personnes dont 14 enfants ont été pris au piège. Le bâtiment a été entièrement détruit. Même l’entrée de la parcelle a été déplacée dans une rue adjacente. A la place de l’ancienne porte, une plaque a été accrochée à la façade : « A la mémoire des 17 victimes qui ont succombé dans l’incendie de la nuit du 25 au 26 août 2005 ».

Des logements sociaux ont poussé. « Je suis arrivé il y a deux ans. Ça ne me dérange pas de vivre ici, où il y a eu un drame. Ça montre aussi que ce lieu revit », confie une résidente. Autre signe de renaissance, une crèche a été construite au rez-de-chaussée. L’enquête de police avait déterminé que le feu était d’origine criminelle, sans toutefois pouvoir identifier l’incendiaire. Finalement, le tribunal correctionnel de Paris n’a prononcé que deux peines limitées à deux amendes de 30.000 euros à l’encontre d’une association et d’une entreprise en bâtiment.

Le numéro de la rue a disparu. Ici, aucune plaque, gerbe ou quelconque commémoration du drame qui a coûté la vie à sept personnes dont quatre enfants. La façade de cet ancien squat parti en fumée a été rénovée. Des logements ont été construits.

Aujourd’hui, seuls les voisins sont garants de la mémoire des victimes. Et notamment Louis Astruc, qui tient une boutique d’assurance à l’extrémité de cette minuscule rue en plein cœur du Marais et à deux pas des immeubles luxurieux de la Place des Vosges. « Je me souviens des enfants ivoiriens qui jouaient devant mes fenêtres, raconte-t-il. Ça devait arriver. La promiscuité, les conditions de logement, l’entassement… » Il regrette qu’aucune stèle ne soit venue « honorer » la mémoire de « ces petites gens ».

20minutes.rf - 13 novembre 2013


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