Vol MH370 : 5 questions pour tout comprendre à la traque des boîtes noires

Des signaux "compatibles" avec les ultrasons de boîtes noires ont été détectés par un navire chinois et un navire australien, à 600 km d’écart dans l’océan Indien. C’est peut-être l’une des dernières fois que les balises, qui ont une durée de vie d’environ un mois, émettent. Pour peu que les signaux proviennent bien des enregistreurs de vol du Boeing de la Malaysia Airlines, ce qui reste à prouver. Et si on les retrouve, que peut-on en attendre ? Réponses.

Y a-t-il un espoir de retrouver des boîtes noires qui n’émettent plus ?

Il a fallu attendre près de deux ans après le crash, survenu le 1er juin 2009, pour que les boîtes noires du vol Rio-Paris soient repêchées. Les balises n’émettaient donc plus depuis bien longtemps. "Retrouver les enregistreurs de vol longtemps après un accident est possible, mais nécessite du temps et de l’argent", explique un spécialiste de l’aéronautique qui souhaite garder l’anonymat. Dans le cas du Rio-Paris, d’importants moyens avaient été mobilisés pour quadriller la zone de recherche, circonscrite au départ à un cercle de 40 milles marins (74 km) centré sur la dernière position connue de l’Airbus.

Sauf que la zone de recherche du Boeing de la Malaysia Airlines, elle, s’étend pour l’instant sur 234.000 kilomètres carrés.

Les boîtes noires ont beau être d’une couleur facilement repérable, orange, elles font chacune "la taille d’une boîte à chaussures" rappelle un article de la BBC. Sonars et drones sous-marins ne pourront être déployés que si un périmètre plus restreint est délimité, probablement autour des signaux émis récemment.

Les boîtes noires sont-elles vraiment indestructibles ?

"Par définition, les boîtes noires sont solides, mais pas indestructibles", répond le spécialiste aéronautique. Les données sont protégées par un boîtier en acier blindé, conçu pour résister à des accélérations et des chocs extrêmement violents, à des températures extrêmes (1.100°C pendant une heure) et à l’immersion (jusqu’à 6.000 mètres de profondeur), précise le site internet du Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA). Les deux boîtiers sont installés à l’arrière de l’appareil, là où ils risquent le moins d’être abîmés en cas de crash.

Mais passer des mois, voire des années, à plusieurs milliers de mètres de profondeur n’arrange pas l’état des boîtiers, même si cela n’atteint pas les cartes mémoire. Ce support numérique, sur lequel sont enregistrées les données, a en revanche une durée de vie moyenne de 10 ans. Sa résistance reste toutefois mal connue.

Deux boîtes du même avion peuvent-elles se trouver à 600 km de distance ? Les signaux acoustiques captés la semaine dernière dans l’océan Indien ont été enregistrés à environ 600 km d’écart.

Les deux boîtes noires ont-elles pu couler en deux points aussi éloignés ?

Impossible, tranchent les experts. Le DFDR (Digital flight data recorder), qui enregistre les paramètres du vol, et le CVR (Cockpit voice recorder), qui enregistre les sons de la cabine de pilotage, sont situés au même endroit dans l’avion et ne sont pas éjectées de l’appareil lors du crash (alors que c’est le cas sur les avions militaires). Les deux boîtiers, d’environ 10 kg chacun, ont donc toutes les chances de finir plus ou moins au même endroit, au fond de l’océan. "A quelques mètres l’un de l’autre éventuellement, mais pas à plusieurs kilomètres", précise notre spécialiste.

L’une des boîtes noires n’aurait-elle pas pu dériver au gré des courants comme les débris de l’appareil ? Aucune chance non plus, vu que les boîtes noires ne flottent pas : une fois au fond de l’océan, elles se recouvrent de boue, de dépôts ou de sable, en fonction de la nature des fonds marins.

Dans ces conditions, comment les navires chinois et australien ont-ils bien pu capter deux signaux si éloignés ? "L’un des deux a faux", estime Gérard Feldzer, ancien pilote et consultant aéronautique. Pour lui, le navire chinois, "moins fiable que l’Australien", s’est trompé : "Contrairement à ce qu’on pense, sous l’eau il y a du bruit ! La propagation dans l’eau n’est pas forcément rectiligne, le son peut ricocher, il peut y avoir de l’écho", explique-t-il. C’est dire si le doute est grand sur la possibilité de retrouver les enregistreurs du MH370.

Les données sont-elles forcément exploitables ?

Cela dépend du choc, et du temps écoulé entre l’accident et l’extraction des données. "Elles peuvent être dégradées, mais c’est assez rare qu’elles le soient au point de ne pas être exploitables", précise le spécialiste aéronautique. Même les données contenues dans les boîtes noires du Rio-Paris, après un séjour de 23 mois à près de 4.000 mètres de profondeur dans l’océan Atlantique, ont pu être intégralement exploitées.

Les disques sur lesquels sont stockées les données sont aussi "plus fiables" et "plus résistants" aux perturbations climatiques que les bandes magnétiques auparavant utilisées, souligne Gérard Feldzer. Ceci dit, contrairement à l’idée selon laquelle les boîtes sont inviolables, il serait toujours possible que quelqu’un de mal intentionné ait voulu rendre inutilisable l’enregistreur de conversations en le débranchant, selon le premier expert interrogé par "Le Nouvel Observateur".

Les données exploitées suffiront-elles à expliquer le crash ?

Près de 90% des accidents peuvent être expliqués grâce aux boîtes noires. Il reste donc quelques cas non élucidés malgré la découverte des précieux boîtiers. Comme en général, c’est la fin du vol qui détermine les causes du crash, seules les conversations des deux dernières heures de vol sont enregistrées : "Pendant le vol, les données enregistrées viennent de façon continue remplacer les données les plus anciennes", peut-on ainsi lire sur le site du BEA. Sauf que dans le cas du vol MH370, l’avion a volé sept heures après avoir dévié de sa trajectoire initiale. Des données cruciales ont donc pu être effacées. "Il va nous manquer une partie du scénario", prédit Gérard Feldzer. "Mais on saura si l’équipe s’est battue jusqu’au dernier moment pour sauver l’avion."

Le Nouvel Observateur - 7 avril 2014


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