Mediator : Jacques Servier est mort, les procédures judiciaires se poursuivent

Paris (AFP) - Le docteur Jacques Servier, fondateur du groupe pharmaceutique français Servier, dont le nom est lié au scandale du Mediator, est mort mercredi à l’âge de 92 ans, mais la justice se poursuit a souligné la pneumologue Irène Frachon qui avait révélé cette affaire.

"Les Laboratoires Servier et tous leurs collaborateurs ont appris avec une immense tristesse le décès de leur président-fondateur, le docteur Jacques Servier, décédé à son domicile le 16 avril 2014 dans sa 93ème année", déclare la société dans un communiqué.

Mme Frachon, la pneumologue brestoise qui a été la première à dénoncer les risques du Médiator, a souligné que malgré cette disparition, "la Justice ne s’arrête pas, et les victimes doivent le savoir".

"Si la personne a disparu, le nom de Jacques Servier et ses collaborateurs auront à répondre des crimes devant la Justice", a-t-elle déclaré à l’AFP, qualifiant le disparu de "manipulateur" et "d’escroc".

"Le scandale du Mediator a révélé une culture de pharmaco-délinquance de l’entreprise Servier", a-t-elle ajouté.

La cause du décès de Jacques Servier n’a pas été précisée par le groupe pharmaceutique dont il était président. Selon une source proche du groupe, elle est lié à son âge et non à "une maladie particulière". M. Servier résidait à Neuilly, dans les Hauts-de-Seine, a-t-on précisé de même source.

Comme le rappelle le groupe, Jacques Servier, avait fondé l’entreprise portant son nom "il y a exactement 60 ans".

Il en a fait un groupe pharmaceutique majeur, dont l’image a été cependant ternie au cours de ces dernières années par le scandale du Mediator.

- Un "grand procès" évoqué en 2015 -

Sa disparition survient alors qu’un "grand procès du Mediator" visant tous les acteurs du scandale était attendu de source judiciaire dans un an environ, au 1er semestre 2015. Il se tiendra donc sans lui.

Utilisé par cinq millions de personnes en France, le Mediator contient une molécule coupe-faim (le benfluorex). Il est à l’origine de graves lésions des valves cardiaques et pourrait être responsable à long terme de 2.100 décès, selon une expertise effectuée dans le cadre d’une enquête judiciaire.

Ce médicament controversé de Servier a été utilisé pendant 30 ans, d’abord contre l’excès de graisses du sang, puis comme traitement adjuvant chez les diabétiques en surpoids, avant d’être retiré du marché fin 2009. Il a en fait été largement prescrit pour maigrir.

Le scandale du Mediator a vu notamment la mise en examen de Jacques Servier et de plusieurs sociétés de son groupe. Sa mort ne met pas un terme à ces procédures.

Une première enquête porte notamment sur des faits de tromperie, d’escroquerie et de trafic d’influence. Une seconde concerne des faits d’homicides et blessures involontaires, et l’éventuelle causalité entre la prise de Mediator et les pathologies développées par chacun des plaignants. Cette seconde enquête risque de prendre plusieurs années en raison du grand nombre de personnes ayant pris le médicament

M. Servier, fils d’industriel, avait racheté en 1954 pour "trois fois rien" un petit laboratoire à Orléans, qui fabriquait un sirop contre la toux. En 1955, il lançait ses deux premières molécules et n’avait dès lors eu de cesse de faire grossir son entreprise.

Avec un chiffre d’affaires de 4,2 milliards d’euros en 2013, le groupe Servier est actuellement le deuxième laboratoire pharmaceutique français en termes de ventes, derrière le mastodonte Sanofi.

- Pas de successeur désigné -

Le groupe a rappelé dans son communiqué que son fondateur avait assuré la "pérennité" des laboratoires, "en organisant le fonctionnement de son entreprise en forme de Fondation dès le début des années 1980".

"Les dispositifs concernant le nouveau comité de direction et son président seront annoncés selon ses instructions dans de brefs délais", précise-t-il.

M. Servier n’avait pas officiellement de dauphin, d’autant que son ancien bras droit avait récemment été évincé de la direction. Début octobre, le fondateur avait mis fin aux fonctions de Jean-Philippe Seta, qui était depuis dix ans président opérationnel de Servier et membre du comité de direction, pour divergences de vues sur la stratégie.

En février, le directeur financier Olivier Laureau s’est vu confier une mission de "coordination" du comité de direction, avec la responsabilité d’en assurer la présidence en cas d’absence de M. Servier.

"Pour l’instant, aucun successeur n’a été désigné", s’est contenté de déclarer à l’AFP la source proche du groupe, sans plus de détails.

Le Nouvel Observateur - 17 avril 2014


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