Le plan français contre les filières djihadistes

De leur chambre à coucher où ils se font endoctriner devant leur écran d’ordinateur jusqu’à la frontière syro-turque où ils s’apprêtent à basculer dans l’action violente, les candidats au djihad désireux d’emprunter la route de Damas vont faire l’objet d’une prise en compte plus intense et mieux organisée.

Alors que le nombre des combattants volontaires français s’est multiplié pour rejoindre la Syrie, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a mis la dernière main à un vaste plan de lutte concocté depuis des mois par son prédécesseur Manuel Valls Place Beauvau pour détecter de façon précoce les adolescents et leurs aînés avant qu’ils ne se retrouvent embrigadés dans les milices islamistes hostiles au régime de Bachar el-Assad.

Pendant que la France se réjouit de l’exfiltration des quatre journalistes français de l’enfer syrien, le nouveau premier flic de France dévoilera ses batteries dès mercredi prochain, à l’occasion du Conseil des ministres. Selon nos informations, plus d’une vingtaine de mesures très concrètes y seront dévoilées. Elles s’inscrivent dans le droit-fil d’une stratégie entérinée le 24 mars dernier en conseil restreint de Défense réuni à l’Élysée, autour de François Hollande. « Certaines décisions auront des effets immédiats, d’autres s’inscriront dans le plus long terme en fonction d’ajustements réglementaires ou législatifs », souffle-t-on dans son entourage où l’on révèle d’ores et déjà qu’un fort accent a été mis sur le « volet de la prévention des actes radicaux » et la « resocialisation de jeunes » souvent en perte de repères. Les stratèges de la Place Beauvau ont fait feu de tout bois pour adapter une riposte à « spectre large » face à un « phénomène complexe et de grande ampleur ».

Rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire

Outre le rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs, une des dispositions phares permettra aux familles dont l’enfant fréquente une mosquée fondamentaliste ou encore surfe sur des sites faisant l’apologie du terrorisme d’alerter une structure ad hoc susceptible de prendre en charge leur problème. Bernard Cazeneuve, après avoir rencontré jeudi dernier son homologue autrichienne Johanna Milk-Leitner, n’a d’ailleurs guère caché son intérêt pour la création par les autorités viennoises d’un centre de prise en charge assez particulier. Il va fonctionner comme un « guichet » où les parents inquiets par des signes de radicalisation précoces mais aussi des jeunes tentés par les sirènes du djihad pourront rencontrer en un même lieu des psychologues, des chercheurs ainsi que divers services sociaux capables de répondre à leurs interrogations.

Le plan antidjihad de Cazeneuve comportera aussi un important volet « signalisation » donnant la possibilité, dès qu’il y aura une « forte intuition », précise-t-on Place Beauvau, d’inscrire un profil à risque au Fichier des personnes recherchées (FPR), mais aussi au Système d’information Schengen (SIS), qui centralise les signalements à l’échelle européenne et permet de tirer la sonnette d’alarme dès que le suspect « fléché » se présente dans un aéroport. Cette parade a bien sûr ses limites puisque nombre de djihadistes en herbe partent en bus vers Istanbul, où les Européens ne sont pas astreints aux visas, avant de rejoindre la frontière syrienne et les sergents enrôleurs du Front al-Nosra, groupe de rebelles armés affilié à al-Qaida.
Campagne de sensibilisation

Insistant en outre sur la « vigilance » dont les services doivent faire preuve face au « terrorisme via Internet » qui sert de « vecteur pour de nombreux recruteurs », Bernard Cazeneuve entend muscler davantage encore la surveillance du « cyberdjihadisme » et des sites extrémistes où s’entremêlent fantasmes, recettes explosives de petits chimistes ainsi que toute une logorrhée sur la mort en martyr.« Le djihadisme représente pour moi le plus grand danger auquel nous devons faire face dans les prochaines années », avait concédé en janvier dernier Manuel Valls, révélant alors que 250 Français ou résidents en France combattaient en Syrie.

Après une visite à Berlin au lendemain de son entrée en fonction, le nouveau locataire de la Place Beauvau se rendra à Londres le 30 avril pour une conférence quadripartite avec ses homologues anglais, allemand et belge, touchés de plein fouet par ce phénomène. Intéressé par les expériences étrangères, il a considéré la mise en place courant 2013 par Londres d’une unité très originale dédiée à la prévention de la radicalisation. Prodiguant des conseils aux autorités, cette structure dispose d’une société de production faisant de la « contre-propagande » via des relais dans la société civile et en s’appuyant sur les associations communautaires et de quartier. Sous le slogan « Do it, but do it right », ces organisateurs ont même donné leur aval pour aller en Syrie. À condition d’y faire de l’humanitaire, au sein d’ONG syriennes avec lesquelles des relais ont été esquissés. Mais l’expérience n’a, semble-t-il, pas convaincu totalement les techniciens de la Place Beauvau qui devrait aussi annoncer mercredi le « lancement de campagnes de sensibilisation en partenariat avec les mairies et l’éducation nationale ». Comme l’a confié au Figaro une source informée, « des crédits seront débloqués, reste à choisir le vecteur qui fera mouche ». Une gageure.

Reuters, 21.04.2014, Christophe Cornevin pour Le Figaro


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