Otages au Mali : les enfants de Gilberto Rodrigues Leal ne croient pas à sa mort

Les enfants de Gilberto Rodrigues Leal, otage français dont la mort a été annoncée au Mali il y a une semaine, témoignent pour la première fois. Ils veulent encore croire que leur père est en vie.

Une semaine après la publication d’un communiqué — qui demeure non authentifié — du Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) annonçant la mort de l’otage français de 62 ans Gilberto Rodrigues Leal, enlevé le 20 novembre 2012, ses deux enfants, Sophie et Cyril, 29 et 32 ans, acceptent pour la première fois de témoigner.

Pour quelles raisons votre père se trouvait-il au Mali ?

SOPHIE ET CYRIL. Notre père a toujours été un grand amateur de voyages. Contrairement à ce que certains ont pu dire, il ne partait pas à l’étranger dans le cadre de missions humanitaires. Non, les voyages étaient pour lui synonymes de plaisir, de découvertes et d’enrichissements personnels, et de pratique de la photo. Peu après son départ à la retraite (NDLR : il était éducateur spécialisé), il avait vécu un an au Brésil. Mais déjà il avait en tête de s’installer au Togo. Un premier voyage dans ce pays l’a convaincu d’y retourner, et c’est à cette occasion qu’il a repris la direction de l’Afrique.

Avait-il conscience des risques présents dans certains pays qu’il traversait  ?

Oui, il a toujours fait très attention. Il préparait minutieusement ses déplacements, s’informait auprès des autorités françaises et locales des zones à risques, et ne voyageait jamais de nuit. Et il nous tenait informé très régulièrement de l’évolution de son périple. Ce n’était pas une tête brûlée.

Dans quelles circonstances apprenez-vous son enlèvement ?

Il nous a adressé un mail quelques minutes avant sa disparition, et à l’inverse de ce que beaucoup de médias ont écrit, il ne se trouvait pas dans un cybercafé. En réalité, il cherchait une connexion Internet, et il a demandé à des gardes présents à un checkpoint s’il pouvait en trouver un. Ces derniers lui ont désigné un groupe de jeunes dont l’un d’eux avait une clé 3G. Il a pu l’utiliser pour nous adresser son mail, et c’est en la rapportant au groupe qu’il a été enlevé. Le lendemain après-midi, nous sommes tombés sur une coupure de presse qui parlait de l’enlèvement, et quelques secondes plus tard, le téléphone a sonné. C’était la cellule de crise du Quai d’Orsay qui nous confirmait la terrible nouvelle.

Plusieurs informations — non démenties jusqu’ici — ont dit que votre père avait des problèmes de santé. Est-ce le cas ?

Non, il est parti en bonne santé, et son médecin traitant peut en attester. Il n’a jamais eu de maladie chronique comme on a pu le lire ici et là, et n’avait pas de traitement médicamenteux, sinon il ne serait pas parti en Afrique. En revanche, nous ne savons pas s’il est tombé malade en raison des conditions de détention que l’on imagine très compliquées.

Avez-vous des échanges réguliers avec les services du ministère des Affaires étrangères  ?

Oui, et il faut souligner que le Quai d’Orsay a toujours veillé à nous tenir informé des moindres développements liés à la détention de notre père, nous a offert un soutien efficace, et nous a proposé d’être mis en relation avec la Fédération nationale des victimes d’accidents collectifs (Fenvac), qui travaille également auprès des victimes du terrorisme. Quelques semaines plus tard, nous avons été reçus par Laurent Fabius puis par François Hollande. Nous avons bénéficié du même suivi que les autres familles d’otages français.

Avez-vous eu des explications sur les raisons de l’enlèvement de votre père ?

Le Quai d’Orsay a évoqué des raisons crapuleuses liées à des activités de terrorisme. Beaucoup de connaisseurs de la région ont été étonnés que des membres de factions terroristes du nord du Mali se soient trouvés dans la zone où notre père a été enlevé. En clair, il était au mauvais endroit au mauvais moment.

Pourquoi avoir gardé le silence jusqu’ici ?

Nous avons toujours pensé que la discrétion était le moyen le plus efficace de préserver les intérêts de notre père et de permettre aux négociations de se dérouler dans les meilleures conditions. Si nous prenons la parole aujourd’hui, c’est parce que beaucoup de contre-vérités et d’approximations ont été dites à son sujet.

Le communiqué diffusé la semaine passée par le Mujao revendique le décès de votre père. Comment avez-vous réagi ?

Cela a été un moment très difficile, qui est intervenu après la diffusion de certaines informations alarmantes sur notre père. Mais une chose est sûre : pour l’heure, ce communiqué n’est pas authentifié, et rien ne prouve que notre père est mort. D’ailleurs, son corps n’a pas été retrouvé. Face à ce flou, il nous reste un infime espoir.

Le Parisien - 29 Avril 2014


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