Avion de Malaysia Airlines disparu : deux mois d’attente sans réponse pour un père

Après deux mois d’attente dans un hôtel de Pékin, le père de l’un des passagers du vol MH370 de Malaysia Airlines rentre chez lui sans réponses sur le sort de son fils.

Le père de l’une des victimes du vol MH370 de Malaysia Airlines, Yan Jiacheng, a dû quitter l’hôtel de Pékin payé par la compagnie aérienne pour rentrer chez lui, malgré nombre de questions sans réponses et un espoir amenuisé.

"Je n’ai pas envie de partir, mais je n’ai plus le choix", soupire Yan Jiacheng, prêt à être reconduit chez lui, dans la province orientale du Jiangsu, à 800 km de Pékin. Son fils cadet, Yan Ling, 30 ans, figure parmi les 153 passagers chinois du vol MH370, parti de Kuala Lumpur à destination de Pékin et disparu le 8 mars dans des circonstances toujours mystérieuses.

La compagnie Malaysia Airlines a annoncé jeudi qu’elle cessait de prendre en charge les frais de logement de centaines de proches des passagers, hébergés depuis près de deux mois à l’hôtel Lido, dans la capitale chinoise.

Malaysia Airlines a cessé de payer l’hôtel des familles

C’est dans le cadre feutré de cet hôtel, assiégé par les journalistes, qu’étaient régulièrement organisées à l’attention des familles chinoises des rencontres avec des responsables de Malaysia Airlines ou des autorités malaisiennes. Des rencontres émaillées de crises de nerfs et d’incidents orageux avec certains proches, furieux des revirements dans les déclarations officielles et convaincus que Kuala Lumpur leur cachait la vérité.

Dans le décor suranné d’une grande salle de bal — dorures, lustres et épaisses moquettes pourpres —, ces longues réunions permettaient aux famille d’exprimer inlassablement leurs frustrations, leurs colères, leurs doutes, face à des responsables malaisiens incapables de répondre à leurs plus pressantes questions : pourquoi l’appareil a-t-il changé de cap le 8 mars ? où est-il désormais ? Et cette interrogation lancinante : s’ils étaient encore en vie ?

Yan Jiacheng, un père désespéré

Yan Jiacheng appartenait à la majorité silencieuse : le sexagénaire avait pris l’habitude de s’asseoir au fond de la salle, sirotant des verres d’eau glacée et relevant la tête lorsque les débats tournaient à l’aigre. Parfois, il fuyait le climat d’insultes et de récriminations, et sortait fumer pensivement sur le parking.

Les premiers jours, de larges cernes, des cheveux en bataille et des traits tirés traduisaient ses nuits sans sommeil. Yan Jiacheng affiche maintenant un visage plus serein ; mais à l’intérieur, dit-il à l’AFP, il reste dévasté.

"Je ne ressens plus rien, rien d’autre que du désespoir" - Yan Jiacheng, le père d’une victime

Yan Ling, parti en Malaisie avec un collègue pour un bref voyage d’étude, était rentré au Jiangsu fin janvier pour le nouvel an lunaire : la dernière fois où ses parents l’ont vu. Yan Jiacheng se souvient du coup de téléphone fatidique, par la petite amie de son fils. "Elle n’a dit que deux choses. L’avion a disparu. Yan a disparu. Puis elle s’est tue. Elle a éclaté en sanglots".

C’est ensuite le patron de son fils, ingénieur dans une société d’équipements médicaux à Pékin, qui appelle Yan Jiacheng, lui demandant de rejoindre la capitale. "J’ai tout abandonné et je suis parti". Un voyage éprouvant : faute d’avion disponible, ce sera un périple "d’un jour et d’une nuit" debout dans un train bondé, l’esprit obsédé par quelques mots qu’il répète en boucle. "L’avion a disparu. L’avion a disparu. Je savais que quelque chose d’affreux était arrivé".

Yan Jiacheng a ensuite été rejoint par son fils aîné, mais son épouse souffrante n’a pu le suivre à Pékin.

Les proches suspendus aux bulletins d’information

Deux mois durant, il est resté suspendu aux nouvelles des vastes opérations de recherche auxquelles participaient huit pays. En vain : aucun débris n’a été repéré, et les recherches aériennes et navales ont pris fin cette semaine.

Tout en enjoignant les proches à quitter l’hôtel Lido, Malaysia Airlines leur a annoncé qu’elle verserait 50.000 dollars à chaque famille, avance sur un dédommagement futur plus conséquent. Des proches ont indiqué leur intention de poursuivre la compagnie en justice.

Contrairement à certains, épris de théories du complot, Yan Jiacheng n’est pas dans le déni : "Les passagers sont probablement morts. Je pense que c’est le cas, mais je n’ose pas le dire à ma famille", dit-il la voix chargée d’émotion. Pourtant, une lueur d’espoir reprend parfois le dessus, irrépressible. "Je serais tellement heureux qu’il revienne. Je veux espérer que ce jour viendra. Je ne peux pas abandonner cet espoir-là."

RTL - Le 4 Mai 2014


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