Anne Decré témoigne du combat quotidien des naufragés français du « Costa Concordia »

Anne Decré est présidente du Collectif des naufragés français du « Concordia », qui compte près de 300 membres sur les 462 passagers français recensés lors de l’accident. Le 13 janvier 2012, elle était dans ce temple du luxe et du divertissement quand il s’est abîmé. Sa vie a alors basculé par-dessus bord. Elle sera vendredi sur l’île de Giglio pour accompagner du regard le départ du paquebot pour son dernier voyage.

« Sud Ouest ». Comment allez-vous aujourd’hui ?
Anne Decré. Depuis trente mois, je fais avec, nous faisons avec. Cela va globalement mieux, mais chaque fois qu’on entend parler du procès en cours, de la recherche d’un corps ou de tout événement se rapportant au bateau, ça nous chamboule un peu. Beaucoup. Ça nous renvoie à cette nuit qu’on n’oubliera jamais.

Que représente pour vous ce renflouage opéré hier ?
C’est une étape importante dans notre reconstruction. C’est difficile à expliquer, à exprimer. Nous espérons pouvoir tourner une page de cet événement dramatique quand nous le verrons partir. Pas pour oublier ce qui s’est passé, mais pour nous délester de quelque chose. Enfin, il n’y aura plus de trace matérielle – et là, je pèse mes mots car il y a eu 32 morts – de cette scène de crime. À part une plaque et une Sainte Vierge, installées là en hommage. C’était lourd de voir ce tombeau couché sur ce rocher. Il matérialisait notre état. Sur le flanc, esquinté, avec un côté qui ne ressemble à rien. Maintenant, il va repartir, peut-être pas très droit, mais il va avancer. C’est ce que nous voulons aussi pour nous les naufragés aux familles à jamais démantelées.

Comment percevez-vous le procès du commandant qui a débuté l’hiver dernier ?
Pour nous, c’est de la commedia dell’arte ! Organiser un procès d’une telle ampleur dans un théâtre, en jonglant avec les représentations, avec seulement quatre jours d’audience par mois, c’est une mascarade. Cela nous révolte. Et il n’y a plus qu’un homme sur le banc des accusés, les autres ont négocié leur procès. Heureusement, des bénévoles nous aident pour traduire.

Où en êtes-vous de la procédure ?
Nous sommes partie civile dans le procès en Italie. Au début, on nous réduisait à une histoire de perte de bagages ! En matière d’indemnisations, sur les 250 rescapés représentés par Mes Bertrand Courtois et Frédéric Bibal, 200 ont reçu, entre mai et octobre 2013, leurs indemnités étudiées de façon individuelle. Nous, le Collectif des naufragés français du « Concordia » et la Fenvac, avons gagné devant la Cour de cassation, jusqu’où nous avait traîné la société Costa, en faisant reconnaître l’abus de faiblesse dont les assureurs de Costa avaient fait preuve à l’égard de leurs victimes en leur octroyant 15 jours de réflexion, 15 jours après le naufrage, pour accepter une indemnisation globale, forfaitaire et définitive de 11 000 euros. Pour le moment, nous souhaitons finaliser les 40 dossiers « lourds de conséquences » qui sont toujours en cours d’expertise. Reste le problème de la restitution des effets personnels. Ça coûtait quoi d’aller dans les cabines quand elles étaient hors d’eau et d’ouvrir les coffres ? Dans un crash d’avion, on rassemble bien tout ce qui traîne. Là, on est encore dans l’attente.

Florence Moreau - Sud Ouest - 15 juillet 2014

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