Procès Xynthia : les élus de La Faute en première ligne

L’ancien maire de la commune et deux de ses adjoints comparaissent ce lundi devant le tribunal correctionnel des Sables-d’Olonne.

À scruter la carte Michelin, quatre ans après, on se dit qu’on aurait pu se douter qu’ici, il se passerait forcément quelque chose de grave. Cette langue de sable volée à l’Atlantique et à la rivière Lay et sur laquelle avait prospéré une station balnéaire de 7 km2 a tout d’une Atlantide en sursis et, connaissant le caractère ombrageux de l’Océan, on aurait pu gager qu’un jour ou l’autre, il viendrait réclamer son dû.

Mais quatre ans après le passage de la tempête Xynthia, qui a provoqué la mort de 29 personnes à La Faute-sur-Mer (Vendée), il est facile de décréter que la tragédie était écrite. Le tribunal correctionnel des Sables-d’Olonne ne se cantonnera pas à ces réflexions d’apparent bon sens lors du procès qui commence ce lundi et doit s’achever le 17 octobre. Sur le banc des prévenus, cinq personnes physiques : René Marratier, 62 ans, ancien maire de la commune ; Françoise Babin, 70 ans, à l’époque première adjointe du précédent ; Alain Jacobsoone, 54 ans, ex-directeur départemental adjoint des territoires et de la mer de la Vendée ; Philippe Babin (fils de Françoise), 43 ans, agent immobilier et ex-président de l’association syndicale des Marais de La Faute ; Patrick Maslin, 55 ans, ex-adjoint au maire, membre de la commission d’urbanisme. Ils encourent, principalement, 5 ans de prison et 75 000 € d’amende pour homicides involontaires aggravés. Deux sociétés de BTP sont également poursuivies en tant que personnes morales.

La Faute a des allures paisibles en cette fin d’été, avec ses rues bien nettes aux noms de fleurs, ces pavillons bas souvent dotés de noms qui s’affichent en anglaises de fer forgé - du grand classique « Abri côtier » au couleur locale « Chouans les pins ». On pique-nique sur la plage et, dans les sentiers, claquent pour quelques jours encore les tongs des derniers vacanciers.

Mais, dans la nuit du 27 au 28 février 2010, le vent hurle et les eaux du Lay renforcées par celles du large deviennent folles. Submergeant les digues dérisoires destinées à protéger un village édifié en dessous du niveau de la mer, elles se ruent vers les lotissements bâtis dans une zone incurvée qui les capture : c’est « la cuvette » de La Faute, la nasse complice de Xynthia. Arrachés à leur sommeil par la tornade, les résidents voient littéralement leur maison - essentiellement des constructions de plain-pied - se remplir à toute allure. Le plus chanceux se réfugient sur le toit. Les autres se noient. Une fois explorées toutes les habitations englouties, le bilan est insoutenable : 29 morts dont trois enfants, sans compter les blessés. Une famille compte, à elle seule, quatre personnes décédées.

Nombreuses parties civiles

La procédure judiciaire se met en branle sans tarder. Tandis que les pouvoirs publics, manifestement pris de court, redessinent à la va-vite le plan d’occupation des sols, rayant de la carte des bâtisses qui, peut-être, n’auraient pas dû être et créant du même coup d’inutiles traumatismes en période de deuil collectif ; la justice, elle, retrace l’histoire de l’urbanisation de La Faute-sur-Mer. Elle exhume la trace de crues précédentes, et confie à des experts le soin de déterminer la probabilité d’un tel drame : selon eux, elle était « non négligeable », en tout cas « plus importante que celle de gagner au Loto ».

La municipalité de l’époque se retrouve dans le collimateur des enquêteurs. À les en croire, le maire a manqué à tous ses devoirs en matière de prévention et d’information de ses administrés. Et ce, bien que la préfecture lui ait régulièrement enjoint de se mettre à jour sur ces points. Les conditions de délivrance de permis de construire sur des zones inondables seront particulièrement étudiées par le tribunal. Le fait que, de surcroît, la première adjointe, Mme Babin, soit liée à une agence immobilière gérée par son fils, avait conduit à envisager des faits de prise illégale d’intérêts que le juge d’instruction n’a finalement pas retenus à charge. De l’autre côté de la barre, de nombreuses parties civiles, regroupées, ou non, au sein de l’Association de défense des victimes des inondations de La Faute-sur-Mer et des environs (Avif), attendent une vérité judiciaire.

Au cours de la procédure, les prévenus ont mis l’accent sur le caractère exceptionnellement dévastateur et donc, selon eux, totalement imprévisible de la tempête Xynthia. Reste que pour l’accusation, la municipalité a cru faire prospérer la commune en lotissant à qui mieux mieux, oubliant les noires leçons du passé, comme si le déluge, c’était toujours après soi.

lefigaro.fr - Stéphane Durand-Souffland - le 14.09.2014


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes