Qui sont les "soldats du califat" qui ont exécuté Hervé Gourdel ?

Il n’aura pas fallu longtemps aux djihadistes pour mettre leurs menaces à exécution. Quelques heures à peine après la publication de l’appel de l’organisation État islamique (EI) à tuer les "méchants et sales Français", en réponse aux bombardements contre leurs positions en Irak, on apprenait qu’un ressortissant français, Hervé Pierre Gourdel, avait été enlevé en Algérie par un groupe lié à l’EI. Dans une vidéo non encore authentifiée publiée mercredi sur les sites djihadistes, les "soldats du califat" ont diffusé son exécution.

Dénonçant l’intervention des "croisés criminels français contre les musulmans en Algérie, au Mali et en Irak", l’un des islamistes affirme ensuite qu’au terme du délai accordé à la France pour cesser sa "campagne contre l’État islamique et sauver" son ressortissant, le groupe a décidé de le tuer "pour venger les victimes en Algérie (...) et en soutien au califat" proclamé par l’EI sur les régions qu’il contrôle en Irak et en Syrie.

Anciens membres du GIA

Mais qui est donc ce groupe Jund-Al-Khilafah fi Ard al-Jazaïr ("les soldats du califat en Algérie") qui se réclame de l’organisation État islamique, bien qu’il combatte à des milliers de kilomètres de son "califat" autoproclamé ? Née pendant la guerre civile algérienne, cette faction d’une centaine d’hommes, créée sous l’appellation Brigades de Thénia, a tout d’abord servi sous les ordres du Groupe islamique armé (GIA), connu en France pour son implication dans la vague d’attentats de 1995 dans le métro parisien. À sa tête, Abdelmalek Gouri, un vétéran du djihad en Afghanistan, surnommé Khaled Abou Slimane.

En 1998, le djihadiste rejoint le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), successeur du GIA, puis participe en 2006 à la création d’al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), branche nord-africaine de la nébuleuse islamiste. "Khaled Abou Slimane est alors hissé au rang d’émir de Thénia, une ville de Kabylie, dans le nord-est de l’Algérie", explique Mathieu Guidère, professeur d’islamologie à l’université de Toulouse-Jean-Jaurès. "Il devient l’un des 12 commandants du conseil des chefs d’Aqmi."

Cachés dans les montagnes de Kabylie
Cachés dans les montagnes de l’Atlas, où ils ont creusé de nombreuses grottes et de multiples tunnels, les djihadistes infligent de sévères pertes à l’armée algérienne, qui éprouve les plus grandes peines à les en déloger, après la fin de la décennie noire du terrorisme (1992-2002). Et leur destin bascule en juillet 2014, lorsque le chef de l’organisation État islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, proclame un califat à cheval sur la Syrie et l’Irak. Le "calife" autoproclamé appelle alors les musulmans du monde entier à rejoindre son "État".

"Des dissensions apparaissent au sein d’Aqmi, sur la nécessité ou non de rejoindre le califat, explique Mathieu Guidère. Deux tendances s’affrontent : les uns, dont le chef d’Aqmi Abdelmalek Droukdel, considèrent qu’il vaut mieux combattre localement contre le gouvernement algérien et les intérêts français, tandis que les autres estiment qu’il faut rejoindre l’organisation État islamique, jugée plus efficace." Khaled Abou Slimane fait partie de ceux-là. Mis en minorité par le conseil des chefs d’Aqmi, qui souhaite rester en Algérie, l’"émir" de Thénia fait dissidence et annonce en juillet sa volonté de rejoindre les rangs de l’EI.

Consolider le califat
Ce fut chose faite le 16 septembre dernier, date de son allégeance à l’organisation État islamique. Dans un communiqué, Khaled Abou Slimane affirme "mettre à la disposition" du calife ses "hommes" et sa "compétence pour consolider le califat". Si les djihadistes souhaitent à terme rejoindre l’organisation État islamique en Irak et en Syrie, ils se mettent dans un premier temps à son service en Algérie. L’appel de l’EI à tuer des citoyens français, déjà publié sur les réseaux djihadistes il y a plusieurs jours, arrive à point nommé pour les "soldats du califat".

Présent en Algérie depuis le 20 septembre pour participer à une randonnée dans le massif du Djurdjura, en Kabylie, Hervé Gourdel avait été enlevé dimanche dernier dans la région de Tizi Ouzou, à 110 km à l’est d’Alger, en compagnie d’amis algériens, tous relâchés depuis. Le mode de communication de Jund-Al-Khilafa - une vidéo semblable à celles de l’EI - suggère que "cette brigade souhaite réaliser un coup médiatique afin de provoquer le ralliement d’autres groupes et de phagocyter Aqmi", analyse Mathieu Guidère. Elle est arrivée à ses fins avec la diffusion de l’effroyable vidéo de la décapitation d’Hervé Gourdel.

Le point.fr- par Armin Arefi - le 23/09/14

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