Révélations sur un attentat déjoué en Ile-de-France

De la petite délinquance aux sentiers du jihad, il n’y a parfois qu’un pas. Si peu le franchisse, certains n’hésitent pas à s’y engager, soucieux de donner un sens à leur vie, quitte à la sacrifier. C’est la trajectoire qu’a suivie Mohamed O., un jeune originaire de Créteil (Val-de-Marne), interpellé cet été par les enquêteurs de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à son retour de Syrie via le Liban, alors qu’il projetait un passage à l’acte sur le territoire national.

Décrit par ceux qui ont croisé sa route comme un jeune homme « poli », « un peu paumé », et qui « cherche à s’affirmer », Mohamed, tout juste 20 ans, était devenu une cible prioritaire des services de renseignement. Au point que, le 3 octobre, le Premier ministre, Manuel Valls, fasse référence — sans le nommer — à ce jeune homme comme l’auteur présumé d’un des « projets d’attentat déjoués » en France au cours des derniers mois.

Avant son départ pour la Syrie, Mohamed était resté dans un relatif anonymat. « Il vivotait sans trop faire de bruit », se rappelle une source judiciaire. « Il était soupçonné de petits trafics, mais il n’avait pas le profil du criminel aguerri comme on en croise dans ce genre d’affaires. Il semblait même souffrir d’un manque de crédibilité auprès de délinquants plus chevronnés de son quartier. » Un quartier situé non loin de la mairie de Créteil. Mais en avril, Mohamed prend tout le monde de court. Ses parents et ses deux frères et sœurs, qui ne soupçonnaient pas ses velléités de départ, ainsi que la justice et la police aux yeux desquelles son absence de radicalisme affiché n’avait pas justifié une surveillance particulière.

Grâce à de l’argent provenant d’une assurance personnelle, le jeune homme prend la direction de la Syrie. Sur place, il intègre un camp d’entraînement du groupe Etat islamique (EI) et se forme aux méthodes de combats. Au bout de quelques semaines, il se porte volontaire pour une mission suicide fomentée par les plus hauts cadres de l’EI. En compagnie d’un autre jeune Français originaire de Trappes (Yvelines) — placé depuis en détention provisoire en France à la suite de son expulsion de Turquie — Mohamed file au Liban en juin où il séjournera à l’hôtel. Un voyage financé par l’EI.

Selon une source diplomatique, « les deux jeunes avaient pour mission de se faire exploser contre des enceintes chiites sur le sol libanais. Mais, au dernier moment, ils ont abandonné le projet ». Par crainte du passage à l’acte ou par manque de visibilité de l’action, les deux jihadistes regagnent la Turquie. Alors que son acolyte présumé reste sur place, Mohamed revient en France mi-juin et contacte un cadre de l’EI en Syrie, expliquant « être prêt à travailler ».

Dans l’ombre, les services de renseignement, qui suivent à la trace chaque étape de son parcours, renforcent leur surveillance. Pendant plusieurs jours, Mohamed, qui évoque avec envie les « méthodes Merah et Nemmouche », médite à des projets d’actions en usant abondamment d’Internet. Il se renseigne sur les lieux chiites implantés en France, cherche de l’argent pour s’acheter des armes — notamment un fusil automatique et des grenades — concentrant ses recherches vers la Suisse et les pays de l’Est, où l’acquisition lui semble moins éveiller de soupçons. Conscient de la dangerosité du jeune homme et du risque d’attentats contre des cibles potentielles et notamment confessionnelles, les policiers de la DGSI investissent l’appartement familial le 1er juillet au matin.

Mutique lors de son arrestation, Mohamed nie toutes les accusations en garde à vue, avant d’être mis en examen et écroué le 5 juillet pour « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste ». Dans les rangs de la DGSI, et au-delà, l’opération est synonyme de succès. Et ce, même si d’aucuns craignent que ce jeune « fragile et déterminé, qui voulait d’abord et avant tout s’affirmer » par ces actions, se radicalise davantage en prison.

LeParisien.fr- Par Adrien CADOREL- le 3.11.2014

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