Attentat à « Charlie Hebdo » : quels sont les moyens de l’antiterrorisme en France ?

Des parquets spécialisés
Le terrorisme se définit comme une « entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». Tous les actes terroristes relèvent de l’article 421-1 du code pénal. Ils obéissent à une procédure particulière, caractérisée par la centralisation des poursuites, de l’instruction ainsi que du jugement.
Les enquêtes antiterroristes sont ouvertes par des parquets spécialisés en matière de lutte contre le terrorisme, mis en place dans toute la France. La section antiterroriste du parquet de Paris est la seule à disposer d’une compétence nationale. Les effectifs attribués à chaque enquête dépendent du ministère de l’intérieur.
« Aujourd’hui, une centaine de procédures judiciaires sont ouvertes à l’encontre de djihadistes français », affirmait en novembre le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve.

Gardes à vue allongées et peines renforcées
Des règles particulières s’appliquent au cours de l’enquête : la durée de la garde à vue est en principe de 4 jours, soit 96 heures (contre 48 heures en temps normal) et peut même être portée à 6 jours en cas de risque d’action terroriste imminente. Contrairement à une procédure ordinaire, la présence d’un avocat n’est pas obligatoire dès le début de la garde à vue.
Lors du procès, le jury est composé de magistrats professionnels et non de simples citoyens comme lors des autres procès d’assises.
Les critères de preuves sont allégés (par exemple, la simple recherche d’information sur des explosifs peut être retenue comme une preuve) et les peines sont renforcées. Les délais de prescription sont par ailleurs portés de 10 à 30 ans pour les crimes et de 3 à 20 ans pour les délits.

RAID, GIGN, BRI : qui mène les opérations ?
Le premier ministre, Manuel Valls, a relevé le plan Vigipirate au niveau « alerte attentat », l’échelon le plus élevé, dans toute l’Ile-de-France et en Picardie. Soit l’échelon le plus élevé : celle de la « protection maximale face à une menace d’un acte terroriste ». Des renforts de police, de CRS et de l’armée ont été mis en place.

Une fois ce plan activé, il faut encore localiser et interpeller le ou les auteurs(s) de l’attentat. Des forces spécialisées sont appelées à la rescousse :
Le RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion) a pour mission de lutter contre le grand banditisme et le terrorisme ; il dépend de la police.
Le GIGN (Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale) est l’équivalent du RAID chez les gendarmes.
Les deux groupes d’élites sont chargés de filatures et d’arrestations. Ils s’entraînent ensemble depuis des années, notamment sur la base du GIGN à Beynes (Yvelines) mais c’est la première fois qu’ils sont déployés ensemble sur un théâtre d’intervention.
La BRI (Brigade de recherche et d’intervention) dépend de la police judiciaire. Les policiers des BRI travaillent principalement en civil, pour plus de discrétion, et n’interviennent que rarement en uniforme. Davantage chargée de l’enquête, elle a toutefois été associée aux interventions de ces derniers jours.

Un dispositif renforcé pour la prévention
La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) chapeaute depuis un an l’action française de renseignement contre le risque terroriste. Cette instance a pris la suite de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) peu après qu’a été annoncée, en mars, une réforme de la lutte contre le terrorisme, initiée par François Hollande, et axée sur la prévention de l’islam radical.
Les effectifs de la DGSI devraient augmenter de 13 % d’ici à 2018, avec 430 agents en plus des 3 200 actuels. Les recrues seront à 60 % des analystes, des traducteurs, des juristes, des ingénieurs, des informaticiens, des techniciens...
Un numéro vert pour signaler ou demander de l’aide est mis en service. Au 15 décembre, plus de 600 alertes de proches signalant des radicalisations auraient été recueillies, selon Beauvau.
A l’automne 2014, un projet de loi, créant notamment une interdiction de sortie du territoire pour les départs de Français candidats au djihad en Syrie, a été adopté par le Parlement.
La coopération internationale et les opérations sur les terrains extérieurs sont dévolues à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), qui bénéficie de fonds ponctionnés sur le budget de la défense mais aussi de l’Elysée, sans qu’on en connaisse les montants.

Des opérations d’envergure mais discrètes
Depuis octobre 2013, la DGSI et la police judiciaire ont démantelé treize cellules de recrutement au départ pour la Syrie sur l’ensemble du territoire. Ces enquêtes se sont soldées par plus de 60 mises en examen.
Parmi eux se trouve Mourad Farès, poursuivi pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, financement de terrorisme et direction d’un groupe terroriste. Arrêté le 10 septembre 2014, il est soupçonné d’avoir organisé le voyage de huit Franciliens, arrêtés le 10 mars avant leur départ, et de dix Strasbourgeois, dont deux sont morts et sept ont été interpellés à leur retour. Plus récemment, à la mi-décembre, une filière a été démantelée et onze personnes ont été interpellées à Toulouse, ainsi qu’en région parisienne et en Normandie.
Mais les résultats de la lutte antiterroriste sont généralement moins visibles. Mercredi, après l’attentat contre Charlie Hebdo, François Hollande a signalé que « plusieurs attentats terroristes avaient été déjoués ces dernières semaines ». « Nous savions que nous étions menacés », a-t-il souligné.
En novembre 2014, une note de la DGSI dévoilait ainsi les détails de plusieurs projets d’attentats déjoués en région parisienne, à Lille et à Nice. C’est dans cette dernière ville que le projet était le plus abouti : un homme avait été arrêté, en février, en possession de 900 grammes de TATP, un explosif pouvant être fabriqué à domicile et déjà utilisé par le passé dans des attentats, comme à Marrakech en 2011.

lemonde.fr - le 09.01.2015


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