Brétigny-sur-Orge : les juges d’instruction ordonnent un complément d’expertise

La SNCF, qui juge trop sévère le rapport des experts judiciaires de la Cour d’appel de Douai, en conteste les conclusions. Pour examiner les arguments avancés par la compagnie ferroviaire, les juges d’instruction en charge de l’affaire viennent de commander une nouvelle expertise.

L’enquête menée sur l’accident ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne) rebondit et ne rendra pas son verdict avant de longs mois. Plus d’un an et demi après le déraillement d’un train, le 12 juillet 2013, et l’ouverture d’une enquête pour homicides et blessures involontaires (7 personnes avaient péri et 61 autres avaient été blessées), les juges d’instruction ont en effet ordonné des compléments d’expertise ferroviaire et métallurgique à la demande de la SNCF, révèle RTL. Mise en examen pour ces deux infractions en septembre 2014, celle-ci met en doute la rigueur du travail des experts judiciaires de la Cour d’appel de Douai.
La nouvelle carte abattue par la SNCF était cependant prévisible tant les conclusions du rapport de ces experts, rendu public en juillet 2014, sont sévères. Le rapport estime, d’une part, que le déraillement du train en gare de Brétigny-sur-Orge a été provoqué par le retournement d’une éclisse, sorte d’agrafe métallique de 12 kilos qui maintient deux rails consécutifs. Selon les experts, sur les quatre boulons qui fixaient cette éclisse au rail, trois étaient absents le 12 juillet 2013. D’autre part, sur les causes de cette absence, le rapport vise expressément la défaillance des procédures de maintenance du géant ferroviaire français. Excluant l’acte de malveillance, les experts soulignent un « état de délabrement jamais vu par ailleurs », précisant que « l’armement a péri par fatigue, vibrations, battements, défaut de serrage, usure, etc. Tous dommages relevant de la qualité de la maintenance. ». Plus grave, le rapport indique que « la plupart de ces anomalies étaient connues de la SNCF ou de ses agents sans pour autant qu’ils soient remédiés de façon adéquate. ». Les prescriptions de maintenance sont mises en cause comme inadaptées et insuffisantes. Le rapport souligne à ce titre que « les prescriptions de maintenance de la SNCF, complexes, parfois difficiles à interpréter ou à appliquer par des hommes de terrain, n’ont pas été parfaitement respectées (...). Ceci a conduit à une insuffisance de prise en compte et de traitement des anomalies rencontrées ; on notera dans ce sens que de nombreuses observations faites au cours des tournées de surveillance se sont trouvées reportées d’une opération à l’autre, pour finir parfois par disparaître sans pour autant qu’on ait eu la certitude qu’elles aient été traitées. ».

Pas les bons boulons

Face à une argumentation si tranchée, la SNCF n’a donc pas hésité à attaquer le travail des experts, évoquant même des « erreurs » dans sa demande communiquée à l’AFP. La SNCF regrette que « se contentant d’expliquer que les têtes de boulons auraient rompu par fatigue, les experts n’ont fourni aucune explication à l’absence incompréhensible des écrous sur les vis. Pourtant, le dévissage accidentel d’un écrou oxydé est techniquement hautement improbable ». Le raisonnement du groupe tient en deux temps : « soit les pièces placées sous scellés ne sont pas les bonnes, soit les écrous ont été dévissés par une action volontaire ». Pour autant, un porte-parole de la SNCF indique à l’AFP que « des éléments dont nous disposons aujourd’hui, notre conviction c’est que l’acte volontaire n’est pas plausible ». Dès lors, la compagnie ferroviaire en déduit que ce ne sont pas les bons boulons qui ont été mis sous scellés.
Les compléments d’expertise ordonnés par les juges d’instruction permettront ainsi d’examiner la thèse de la SNCF. Les résultats intéresseront sans aucun doute le Réseau ferré de France, en charge de l’aménagement du réseau ferré français, qui a également été mis en examen dans ce dossier pour homicides et blessures involontaires. Depuis l’accident, la réforme ferroviaire votée en août 2014 a entraîné la fusion des deux entités regroupées au sein d’un groupe public ferroviaire comprenant deux établissements « filles ». D’une part, l’exploitant ferroviaire, « SNCF Mobilités » et, d’autre part, le gestionnaire d’infrastructure, « SNCF Réseau ».

lefigaro.fr - le 26.02.2015


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