Les familles des victimes du crash de l’A320,...

Les familles des victimes du crash de l’A320, qui a fait 150 morts mardi dans les Alpes françaises, sont arrivées pour la plupart jeudi après-midi près des lieux de la catastrophe. Sur place, plusieurs dizaines de psychologues les attendaient. Deux cellules d’urgence médico-psychologiques (CUMP) ont été mises en place mercredi pour recevoir les familles. Retour sur un long processus de prise en charge qui s’actionne dès l’aéroport et qui peut se poursuivre pendant plusieurs mois, voire plusieurs années après la catastrophe.

La prise en charge débute généralement à l’aéroport où des cellules de crise sont mises en place. Là, les familles sont entourées des autorités aéroporturaires, des membres de la compagnie aérienne concernée et de bénévoles. Des psychiatres et psychologues des cellules d’urgence médico-psychologique (CUMP) gérées par le Samu sont également présents pour accompagner les proches des victimes. Pour rappel, la CUMP a été créée au lendemain de l’attentat terroriste à l’explosif perpétré le 25 juillet 1995 à la station de métro Saint-Michel à Paris. « Il faut imaginer que ce genre d’événement est extrêmement violent pour les familles, la priorité est donc de réhumaniser l’accueil et de délivrer des messages clairs et entendables, expliquait l’année dernière au Figaro le Dr Nathalie Prieto, responsable du CUMP au Samu de Lyon. Il s’agit aussi de gérer l’attente et les crises d’angoisses qui peuvent se manifester ». Des psychotropes peuvent leur être administrés pour réduire les symptômes d’anxiété, de prostration ou d’agitation.

Ces premiers instants sont les plus importants puisqu’ils vont permettre aux médecins d’évaluer l’état psychique des familles. « L’une de nos missions est de détecter ce qu’on appelle des deuils pathologiques, c’est-à-dire les personnes qui n’ont pas enclenché le processus de deuil, raconte la psychiatre. Nous allons alors observer de près les sujets qui font un déni et qui n’ont pas intégré la perte d’un proche. Mais aussi celles qui vont avoir une réaction de sidération, en étant complètement déconnectées et hébétées ».

La prise en charge peut se poursuivre près des lieux du crash, comme c’est le cas pour les familles des victimes de l’A320 du Germanwings. Mercredi, deux cellules d’urgence médico-psychologiques (CUMP) ont été mises en place à Seyne-les-Alpes et à Digne (Alpes-de-Haute-Provence). Dans le premier village, on a installé huit grandes tables dans le gymnase pour que les familles puissent se reposer, parler et avant tout boire et manger. « Dans ces situations, on fabrique beaucoup d’adrénaline et il est très important de s’hydrater et de manger », explique à l’AFP la psychologue Sylvie Lagier, 46 ans, membre de la CUMP. Tout a été prévu : barres de céréales, gâteaux, jus de fruits, café, thé... sans oublier les boîtes de mouchoirs.

Débute ensuite leur principale mission : l’écoute. « Car remettre les choses en mots, c’est déjà passer à une autre étape, c’est sortir de la sidération qui, si elle dure trop longtemps, peut générer un état de stress post-traumatique », expliquent Sylvie Lagier et sa collègue Claudine Ansieau, 40 ans, toutes deux psychologues en pédo-psychiatrie à l’hôpital de Digne et toutes deux bénévoles au SDIS (Service départemental d’incendie et de secours) des Alpes-de-Haute-Provence depuis 2002. « Mettre des mots, c’est être acteur de quelque chose, cela aide à ritualiser, à commencer à faire ce chemin du deuil », insistent ces deux femmes à la voix douce. Pour ce faire, les équipes de psychologues sont assistées d’interprètes, recrutés en urgence principalement dans les collèges et lycées de la région.

Cette journée a été particulièrement éprouvante pour les familles. A peine 48 heures après le drame, elles ont appris que le copilote de la Germanwings avait volontairement provoqué le crash de l’avion. Une situation rare. D’habitude, le temps de l’enquête est beaucoup plus long. L’information a-t-elle été révélée trop rapidement ? « La confrontation au réel est toujours compliquée mais je ne pense pas que nous soyons allés trop vite, répond le Dr Charles-Henry Martin, chef des services des urgences psychiatriques de l’hôpital Charles Perrens à Bordeaux. Les familles ont su rapidement ce qu’il s’était passé, cela va leur permettre d’entamer le processus de deuil plus rapidement. Il n’y a rien de pire que le doute. Quand on ne sait pas ce qui s’est passé, on a du mal à faire un travail d’acceptation », explique le psychiatre au Figaro, faisant référence à la disparition du vol MH370 de la Malaysia Airlines. Un an après le drame, les familles ne savent toujours ce qui s’est passé le 8 mars 2014.

L’absence des corps sera une autre difficulté à gérer. « La plupart des personnes, en fonction de leurs croyances, ont besoin de voir la dépouille du défunt pour un ultime adieu. C’est une condition que les psychiatres ou psychologues devront prendre en considération pour effectuer le travail psycho-thérapeutique avec ces familles », poursuit Charles-Henry Martin qui est aussi psychiatre référent des CUMP sur tout le sud-ouest.

Viennent ensuite les consultations psycho-traumatiques. En France, les familles peuvent contacter le Samu ou se diriger vers des cabinets privés, spécialisés dans la prise en charge des victime de catastrophes et d’accidents collectifs. Dans les semaines qui suivent l’accident, « notre rôle est de s’assurer que les gens sont sur les rails du deuil normal », commente le Dr Prieto, du CUMP au Samu de Lyon. Ce suivi psychologique reste à l’initiative des familles. « Il n’y a aucune obligation de prise en charge, rappelle le médecin. Néanmoins, il arrive que le médecin généraliste ou quelqu’un dans l’entourage nous alerte pour que l’on puisse rentrer en contact avec eux ».

Après le temps des annonces et de l’urgence, les associations telles que la Fenvac (Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs) prennent le relais. En partenariat avec le ministère des Affaires étrangères et celui de la Justice, cette association propose une aide sur le long terme. « En tant que proches de victimes, nous savons ce que les familles traversent et nous savons que l’Etat ne peut pas tout faire », explique au Figaro Stéphane Gicquel, secrétaire général de la Fenvac. « Nous sommes là pour proposer une aide juridique, un soutien dans la durée et plus globalement, faire évoluer la prise en charge des victimes par les pouvoirs publics ». Un courrier va être envoyé prochainement à tous les consulats des pays touchés par le crash aérien. « Nous avons proposé notre aide aux familles concernées, poursuit le responsable associatif. Notre préoccupation est de les informer et de veiller à ce que la compagnie aérienne, l’Etat Français et les autres pays accompagnent correctement les familles ».

Source : lefigaro.fr
Auteur : Caroline Piquet
Date : 26 mars 2015


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