Crash A320 : « Le propre d’une catastrophe est de faire exploser tous les cadres habituels »

Depuis mardi, le monde reste sous le choc du crash de l’Airbus A320 de Germanwings et ses 150 morts. Stéphane Gicquel, secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs, analyse les ressorts qui accompagnent une telle catastrophe.

Dimension catastrophe

« Le propre d’une catastrophe est de faire exploser tous les cadres habituels. La dimension du drame collectif explique pourquoi l’impact d’une catastrophe aérienne avec 150 morts est différent d’un bilan de deux semaines d’accidents de la circulation. C’est la démonstration ultime qui relève de l’inconcevable, de l’inimaginable. »

Les lieux

« Les lieux d’une catastrophe agissent toujours comme des aimants sur les familles. Car après le choc extrême de l’annonce, il n’y a plus rien. Quand vous perdez un proche après une maladie, vous l’avez accompagné, là, il s’agit d’une mort sans image et sans témoin. Les familles des victimes ont besoin d’aller sur place pour concrétiser ce qui est arrivé en recueillant le récit des secouristes. On a montré rapidement des images prises d’hélicoptères. On a travaillé avec l’OIAC (Organisation internationale de l’aviation civile) pour établir un guide des bonnes pratiques. Les compagnies, les États se font désormais un devoir d’accompagner les proches. »

Le groupe

« Entre proches des victimes, un groupe se forme, par réflexe. Mais c’est très compliqué à vivre ensemble. Un deuil est très intime, peut être vécu différemment dans une même famille. C’est donc très personnel mais en même temps, on voit le monde à la télé interagir. C’est pour cela qu’on a besoin de rites spéciaux comme allumer des bougies dans ce lycée allemand. »

Des questions

« La première est de l’ordre de l’identification. Très important : vais-je récupérer le corps ? Ensuite, se sont-ils vu mourir ? À mon avis, le procureur a voulu préserver les familles en prétendant que c’était au dernier moment. Ils ont vu le pilote crier, taper à la hache sur la porte. Ce n’est pas très grand un A320… »

Le suicide

« Il ne faut pas arrêter l’enquête parce qu’on pense avoir une réponse claire. Car elle suscite des questions, la principale étant : s’il s’agit d’un suicide, pourquoi a-t-il voulu tuer 149 autres personnes ? Ce suicide donne une dimension particulière à cette catastrophe. Les proches ne sauront jamais. Ce qui alimentera des suspicions, de possibles théories terroristes et de mensonges de l’État. Lors d’un crash aérien, il y a des interactions politiques, diplomatiques, financières, des enjeux industriels. Les familles, qui ont besoin de réponses, sont perdues au milieu de tous ces gens qui sont au-delà de l’empathie. »

Vivre avec

« On ne tourne pas la page. On ne fait pas son ou ses deuils. On apprend à vivre avec. Nous ne sommes pas tous égaux face à un tel événement. Dans notre association d’aide aux victimes, on a tous vécu ça. Moi, j’ai perdu quatre membres de ma famille dans le tsunami en Thaïlande. M’engager dans la FENVAC est ma façon à moi de maîtriser l’événement. »

Source : lavoixdunord.fr
Auteur : Olivier Berger
Date : 29 mars 2015


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