Vol AF447 : les familles demandent plus de transparence

C’était le 1er juin 2009. Vers 1 h 35 du matin, un Airbus A330 d’Air France communique par radio pour la dernière fois avec le centre de contrôle brésilien dont il dépend. Pendant quarante minutes encore, l’appareil parti de Rio pour rallier Paris envoie des messages automatiques à terre. Puis plus rien.

Un an après ce drame qui a coûté la vie à deux cent vingt-huit personnes – deux cent seize passagers et douze membres d’équipage –, on n’en sait guère plus sur les causes de l’accident. Si des corps et quelques éléments de la carlingue ont été repêchés, les circonstances de la catastrophe restent encore très floues. A l’occasion du premier anniversaire de cet accident, plusieurs associations regroupant familles et proches de victimes ont dénoncé l’opacité entourant l’enquête, les recherches et les indemnisations. Retour sur les points qui fâchent.

La recherche des boîtes noires. Les trois campagnes de recherche des enregistreurs de vol sont restées infructueuses. La première phase a eu lieu immédiatemment après le crash. Du 10 juin au 10 juillet 2009, deux bâtiments et un sous-marin de la marine nationale française ont ausculté, en vain, les profondeurs de l’Atlantique à la recherche du signal censé être émis pendant une trentaine de jours par les enregistreurs. La deuxième phase a commencé le 27 juillet. Les balises ayant cessé d’émettre, les sous-marins dépêchés sur place ont tenté de localiser l’épave de l’avion grâce à un système acoustique remorqué (SAR). Plus tardive, la dernière phase a débuté au mois de mai 2010. Malgré l’optimisme du Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA), les recherches se sont soldées par un nouvel échec.

Le 25 mai, le président de l’association Entraide solidarité AF 447, Jean-Baptiste Audousset, avait exhorté les autorités à entreprendre une nouvelle campagne de recherches, estimant qu’"il est assez extraordinaire qu’au bout d’un an, on n’ait retrouvé que 3 ou 4 % de l’avion". Lors d’une conférence de presse conjointe, lundi 31 mai, trois associations de victimes française, allemande et italienne ont réitéré cette demande, dans une déclaration commune, et exigé que la poursuite des recherches soit financée par Airbus et Air France. "Les recherches sont absolument nécessaires pour s’assurer de la vérité sur ce drame et éviter qu’un nouvel accident ne puisse se reproduire", estiment-elles.

"Nous n’abandonnerons pas" la recherche de la vérité, a promis le secrétaire d’Etat aux transports, Dominique Bussereau, présent lors de la cérémonie en hommage aux victimes, qui s’est tenue mardi 1er juin à Paris.

Les enquêtes. En France, deux enquêtes sont menées conjointement. La première est menée par la justice, l’autre par le BEA, compétent pour effectuer des investigations techniques sur les accidents ou incidents dans l’aviation civile. (Lire : Le BEA au cœur de l’enquête).

Les sondes Pitot de l’Airbus A330, placées sous le nez de l’appareil et qui permettent de calculer la vitesse de l’avion en vol, ont très rapidement été mises en cause par les enquêtes, contraignant Airbus à les remplacer, dès juin 2009, sur tous les A330 et A340. Le BEA appuie cette hypothèse, dans le premier rapport d’étape (PDF) de l’enquête, se fondant sur le fait que "vingt-quatre messages automatiques de maintenance ont été reçus entre 2 h 10 et 2 h 15 via le système ACARS. Il ressort de ces messages une incohérence des vitesses mesurées".

Malgré ces élements, le BEA estime que la défaillance des sondes de vitesse Pitot ne peut expliquer à elle seule la chute de l’avion et évoque notamment la zone météorologique particulière où s’est déroulé le drame. Une thèse qui ne convainc pas les familles des victimes, qui estiment "suspect" le refus de la justice et du BEA de "considérer cette panne comme un élément absolument essentiel". "La négation de l’évidence et le déni de la réalité ne doivent pas servir d’alibi aux protagonistes qui ont failli dans leurs devoirs de sécurité aérienne", accusent-elles. Elles demandent à Dominique Bussereau d’autoriser "la présence d’un observateur extérieur des familles, dès maintenant auprès du BEA".

Concernant l’enquête judiciaire, les associations déplorent la "vacuité" du pré-rapport que leur a remis la justice et demandent "expressément à la juge d’instruction de nommer des experts internationaux, ce qui sera de nature à rassurer les familles des victimes et notamment les familles étrangères".

Les indemnisations. Les familles des victimes demandent que la somme versée aux proches au titre du préjudice moral soit "identique pour tous, quels que soient la nationalité de la victime et son niveau social" car "le préjudice moral a vocation à être universel".

En avril, le cabinet d’avocats londonien Stewarts Law avait affirmé que les indemnités prévues variaient de 1 à 16 selon la nationalité des victimes. Ainsi, les proches d’une victime américaine se verraient proposer 4 millions de dollars par personne (3,26 millions d’euros). Le montant serait de 750 000 dollars (610 000 euros) au Brésil et 250 000 dollars (203 000 euros) en Europe. Ces trois associations enjoignent les ayants-droit à "éviter toute transaction précipitée directe avec les compagnies d’assurances, hors avocats".

Le Monde.fr
1er juin 2010


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