Après un débat focalisé sur le terrorisme, le Sénat vote largement la loi sur le renseignement

La loi sur le renseignement a été adoptée mardi 9 juin après-midi en seconde lecture par le Sénat, par 251 voix contre 68.

Lors de leurs débats, les sénateurs ont apporté quelques modifications au texte, notamment sur la collecte de métadonnées ou sur les fameuses « boîtes noires », mais la moelle du texte, qui donne un cadre juridique aux services de renseignement, a été préservée.

Pas de quoi rassurer les nombreux opposants au projet de loi, qui émettent trois grandes critiques : le manque de pouvoir de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), l’organe administratif que la loi charge du contrôle des services et de leurs activités ; l’élargissement des prérogatives des services, et surtout l’instauration, par certains articles de la loi, d’une surveillance de masse.

Les opposants, qui rassemblent de nombreux acteurs de la société civile, du Conseil national du numérique à Amnesty International, ont dû s’organiser en un temps record. Entre la présentation du projet de loi en conseil des ministres, le 19 mars, et la seconde lecture au Sénat, il se sera passé moins de trois mois.

Si le travail sur le cadre légal du renseignement a été entamé dès 2013 par un rapport parlementaire des députés socialistes Jean-Jacques Urvoas (Finistère) et Patrice Verchère (Rhône), les attentats terroristes de janvier ont joué dans la décision du gouvernement d’opter pour la procédure accélérée, qui limite l’examen du texte à une lecture par chambre.

Lors des débats, le gouvernement n’a eu de cesse de mettre en avant, parfois de manière contradictoire, l’imminence et le danger de la menace terroriste et le travail de longue haleine mené sur ce texte. La loi sur le renseignement deviendra donc le quatrième texte en trois ans portant, au moins pour partie, sur le terrorisme.

C’est d’ailleurs ce sujet qui a largement dominé les débats au Sénat, où les différents orateurs ont prononcé plus de 300 fois les termes terrorisme et terroriste. Problème : ce texte porte, comme son nom l’indique, sur le renseignement en général. Et il est très loin de ne concerner que le seul terrorisme.

Il suffit de jeter un œil sur les objectifs des services de renseignement, que la loi définit pour la première fois dans son article premier. Ceux-ci sont extrêmement variés. Outre les classiques préventions « du terrorisme » et « de toute forme d’ingérence étrangère », les services pourront surveiller afin de garantir « l’exécution des engagements européens et internationaux de la France », « la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées » ou encore « les intérêts économiques et scientifiques de la France ».

La suppression, par les sénateurs, de l’adjectif « essentiel » dans ce dernier objectif pourrait permettre la mise en œuvre de surveillance pour des motifs aussi larges que la lutte contre la contrefaçon, comme l’a justement fait remarquer le sénateur Jean-Pierre Sueur (PS, Loiret).

Le terrorisme a servi de repoussoir aux critiques et a engourdi le débat parlementaire, dans les hémicycles et en dehors, l’opposition étant souvent renvoyée dans les cordes par l’argument massue des attentats de janvier. « Ceux qui portent atteinte aujourd’hui aux droits de l’homme, ce ne sont pas les services (…) mais ce sont les terroristes ! Ce sont eux qui constituent un véritable danger pour les valeurs fondamentales de la République ! Ce sont eux qui aujourd’hui s’attaquent à des journalistes, à des Français parce qu’ils sont de confession juive, à des policiers parce qu’ils portent l’uniforme, et qui pourraient demain s’attaquer à d’autres personnes qui sont détentrices de l’autorité publique ! » a ainsi lancé Bernard Cazeneuve, au Sénat, le 3 juin, à un député voulant un encadrement plus strict des services secrets.

Le débat n’aura été qu’allusif sur la question de la surveillance internationale, c’est-à-dire celle qu’exerce la DGSE à l’extérieur de nos frontières, et dont certains craignent qu’elle puisse être utilisée pour contourner la protection et le contrôle de la CNCTR. La question des capacités offensives des services sur Internet, que la loi reconnaît mais dont le grand public ne sait rien, n’a guère suscité de vagues.

Après le vote par le Sénat, le texte sera examiné par une commission mixte paritaire, composée de députés et de sénateurs. L’Assemblée tranchera les points sur lesquels cette commission n’aura pas pu se mettre d’accord. Une fois promulgué, le texte sera examiné par le Conseil constitutionnel, au titre de la saisine qu’ont annoncé de nombreux députés d’opposition. Mais aussi, pour la première fois de la Ve République, à la demande du président de la République lui-même.

Source : lemonde.fr
Auteur : Martin Untersinger
Date : 09 juin 2015


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes