Catastrophe de Brétigny : l’appel à l’aide des juges

Les trois juges d’instruction chargés de l’enquête sur l’accident ferroviaire de Brétigny ont-ils les moyens d’enquêter sur ce drame ? Dans un courrier envoyé en début d’année au procureur d’Evry, et que nous nous sommes procuré (lire ci-dessus), les trois juges ont demandé à être dessaisis de ce dossier.

Une démarche rarissime. Pour justifier cette demande, les trois magistrats ont invoqué le manque de moyens humains mis à leur disposition pour réaliser leurs investigations et notamment des effectifs de greffe insuffisants et un poste de magistrat toujours pas pourvu. Il faut dire que ce dossier est hors norme.

Ce 12 juillet 2013, quand le train Intercités 3657 qui relie Paris à Limoges déraille, sept personnes perdent la vie tandis qu’une soixantaine d’autres sont blessées. Depuis le drame, deux personnes morales ont été mises en examen la SNCF et RFF.

Conséquence, dans leur courrier les juges ont estimé que « l’ampleur exceptionnelle des investigations menées et à mener, la technicité du domaine, le volume du dossier nécessitent de considérer que le traitement de cette seule affaire correspond à un équivalent temps plein de magistrat instructeur et de greffier ». Ils demandent que le dossier soit transmis au pôle spécialisé en matière d’accidents collectifs nouvellement crée en décembre 2014 au tribunal de grande instance de Paris (lire encadré).

Refus du procureur d’Evry, Eric Lallement, qui assume. « J’ai pris cette décision en mon âme et conscience. En transmettant le dossier à Paris, on allait perdre six mois. D’autant qu’à ce moment-là, le pôle spécialisé n’était pas complètement constitué. » Selon le magistrat : « Le plus dur est passé. Les juges d’instruction et les services de police ont fait un travail considérable. On a déterminé les causes de l’accident, on est en train de déterminer les responsabilités. » Quoi qu’il en soit, aucun moyen supplémentaire, ni greffier ni juge d’instruction, n’est venu renforcer le parquet d’Evry.

« On est dans une situation financière contrainte, reconnaît Eric Lallement. Mais on ne va pas se plaindre de garder une affaire intéressante quand souvent elle nous échappe pour des juridictions spécialisées. Les victimes n’ont pas à s’inquiéter. Tous les actes nécessaires à cette enquête ont été et seront effectués. » Pas sûr que cela suffise à les rassurer. Il faut dire que ce n’est pas la première fois que ces juges d’instruction se plaignent du manque de moyens. En septembre 2013, ils avaient demandé au directeur régional de la police judiciaire de Versailles, Philippe Bugeaud, de créer une cellule d’enquêteurs dédiée exclusivement à la catastrophe de Brétigny.

Réponse ferme et polie de l’intéressé : « Compte tenu de la charge annuelle d’affaires qui incombe à ma brigade criminelle, je ne peux pas pendant plusieurs mois retirer des permanences un groupe complet. »

Bref, pour Gérard Chemla, avocat de l’association Entraide et défense des victimes de la catastrophe de Brétigny (EDVCB), « le manque de moyen de la justice c’est ancré, on connaît. Mais là, il ne s’agit pas d’un simple vol à la roulotte. On parle du plus important accident ferroviaire que la France a connu depuis plus de vingt-cinq ans. Des dizaines de victimes et des millions de Français attendent des réponses. L’instruction de ce dossier doit être exemplaire ».

Source : leparisien.fr
Auteur : Vincent Vérier
Date : 18 juin 2015


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes