La Grande-Bretagne déconseille la Tunisie comme destination touristique

La mesure est un camouflet pour la Tunisie. Le gouvernement britannique a annoncé, jeudi 9 juillet, qu’il déconseillait désormais la Tunisie à ses ressortissants pour tout voyage « non essentiel ».

La décision a été prise deux semaines après l’attentat djihadiste dans une station balnéaire à El-Kantaoui, près de Sousse, où trente-huit touristes étrangers ont trouvé la mort. Avec trente citoyens britanniques tués, le Royaume-Uni est le pays qui a payé le plus lourd tribut à cette nouvelle forme de terrorisme, qui avait déjà frappé le 18 mars le Musée du Bardo, à Tunis (vingt-deux morts, vingt et un touristes étrangers et un policier).

« Le tableau de la menace a considérablement évolué »

Dès le lendemain de l’attentat de Sousse, le gouvernement tunisien avait adopté un train de mesures sécuritaires afin de rétablir un semblant de confiance dans la destination tunisienne. Le 4 juillet, le président Béji Caid Essebsi avait même décrété l’état d’urgence face à un « danger imminent ». Une mesure d’exception que la Tunisie avait déjà connue de janvier 2011 à mars 2014, durant les turbulences de sa transition post-révolutionnaire.

Ce nouveau dispositif n’a toutefois pas suffi à convaincre pleinement le gouvernement britannique. « Depuis l’attaque de Sousse, met en garde à Londres le secrétaire aux affaires étrangères, Philip Hammond, le tableau de la menace a considérablement évolué, nous conduisant à penser qu’une nouvelle attaque est hautement probable. »

M. Hammond adresse une critique voilée aux mesures prises par les Tunisiens en estimant que « davantage de travail est requis pour protéger effectivement les touristes de la menace terroriste ».

« C’est une perte de crédibilité pour la Tunisie »

L’avis négatif émis par Londres risque de fragiliser davantage un secteur touristique déjà déstabilisé par les attaques du Bardo et de Sousse. « C’est très fâcheux, c’est extrêmement inquiétant, la saison est sacrifiée, a confié au Monde Ahmed Smaoui, professionnel du tourisme, ancien président de Tunisair et ex-ministre du tourisme et des transports. C’est une perte de crédibilité pour la Tunisie car on avait fourni des assurances aux tours opérateurs britanniques. Le gouvernement a déployé des mesures de sécurité mais elles n’ont pas été jugées convaincantes à Londres ».

Le coup est d’autant plus dur que la clientèle britannique avait connu 10 % de progression annuelle depuis la révolution de 2011, à rebours des autres clientèles européennes. Avec 500 000 visiteurs par an, les Britanniques s’étaient hissés à la deuxième place derrière les Français (900 000).

Jusqu’aux récentes secousses, l’industrie du tourisme contribuait pour 7,3 % au produit intérieur brut du pays et fournissait 470 000 emplois directs ou indirects, soit près de 14 % de la population active.

Après l’attentat du Bardo, le gouvernement tunisien s’était lancé dans une campagne de relations publiques afin de réparer les dégâts infligés à l’image de la Tunisie. Il avait trouvé des oreilles attentives auprès de nombreuses capitales européennes décidées à soutenir politiquement un pays dont la transition démocratique était louée comme « exemplaire ».

De nombreuses personnalités françaises s’étaient ainsi associées à la campagne « La Tunisie, j’y vais ». C’est cette solidarité politique qui est aujourd’hui en jeu avec la décision de Londres, dont la « priorité » est désormais « la sécurité de [ses] citoyens ».

Paris devrait durcir son avis

La question est maintenant de savoir quelle va être l’attitude de la France. Dans l’avis aux voyageurs diffusé sur le site du quai d’Orsay dans la foulée de l’attaque de Sousse, Paris se contente de « renouveler » sa « recommandation » d’être « particulièrement vigilants ».
Cet avis « déconseille formellement » les zones frontalières avec la Libye à l’Est et avec l’Algérie au Sud-Ouest, l’extrême-sud saharien ainsi que les monts Chaambi, Semmama et Selloum dans le Centre-Ouest. La bande méridionale qui se déploie en arc au sud de Ben Gerdane, Borj-Bourguiba et Bir Rjim Maatoug est, elle, « déconseillée sauf raison impérative » tout comme la frontière du Nord-Ouest avec l’Algérie au sud de Tabarka. Quant au reste du pays, il est considéré comme requérant une « vigilance renforcée ».

C’est cette cartographie du risque que Paris va devoir redéfinir au vu des dernières informations sur l’implantation de cellules djihadistes et des mesures prises par Tunis pour les contrer. Tout indique que l’avis de Paris sera « durci ». Le déploiement des forces tunisiennes supplémentaires dans les zones touristiques est loin de faire l’unanimité chez les diplomates européens en poste à Tunis.

« Comment les Tunisiens vont-ils prendre en compte ces menaces dans la durée ? », interroge un diplomate qui avoue, un brin sceptique : « On voit déjà les mauvaises habitudes qui reprennent ». Tunis, de son côté, ne cesse de souligner qu’il n’a pas, seul, les moyens de faire face au vu de ses moyens budgétaires limités.

Crédit photos : Source : www.lemonde.fr Auteur : Frédéric Bobin Date : 09/07/2015

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