Identifier avec certitude les restes d’un...

Identifier avec certitude les restes d’un avion disparu depuis des mois, comme ce pourrait être le cas pour le vol MH370, permettrait enfin aux familles des victimes d’entamer leur "travail de deuil", explique la psychologue Carole Damiani.

L’expertise à partir de mercredi en France d’un morceau d’aile retrouvé à la Réunion pourrait déterminer qu’il s’agit d’un débris du Boeing 777 de la Malaysia Airlines disparu mystérieusement le 8 mars 2014 avec 239 personnes (dont 153 Chinois) à bord.

Spécialiste de l’aide aux familles de victimes de catastrophes pour la Fédération d’associations d’aide aux victimes Inavem, Carole Damiani souligne l’importance des traces tangibles pour les familles de disparus.

QUESTION : Qu’est-ce que cela changerait pour les familles des victimes de savoir que les débris retrouvés à la Réunion proviennent bien du vol MH370, disparu sans laisser de trace ?

REPONSE : Le travail de deuil consiste à se délier de quelqu’un, à accepter qu’on ne le retrouvera plus et qu’il est parti pour toujours. Quand une personne est portée disparue, il y a une difficulté à se dire "j’arrête de chercher ce lien, je le détruis moi-même symboliquement". On a besoin du groupe social pour dire "il est mort, vous avez le droit de faire le travail de deuil et de défaire ce lien". Beaucoup de familles ne s’autorisent pas à défaire le lien tant qu’ils n’ont pas une confirmation dans la réalité.
Face à ce type de nouvelle (confirmation qu’on a bien retrouvé les restes d’un avion), on peut avoir toute la gamme des réactions. Cela peut être du soulagement de savoir enfin, d’arrêter d’être taraudé par des questions et de pouvoir lancer un processus de deuil. Pour d’autres au contraire, c’est terrible parce qu’ils avaient encore de l’espoir.

Q : Est-il important pour les familles de connaître avec certitude le point précis du crash, la localisation des restes d’un avion dans l’océan ?

R : C’est tellement important que c’est inscrit dans les devoirs universels qu’on a vis-à-vis des victimes : le droit de savoir, le droit à la vérité. C’est considéré comme essentiel. Quand il y a une mort "naturelle", on demande toujours : "quels ont été les derniers mots, comment se sont passés les derniers instants". Et là ça manque. Les familles ont besoin de savoir comment et pourquoi.
Le besoin de savoir est tel que lors d’une réunion d’information avec les familles des victimes de la Germanwings (crash du 24 mars sur les Alpes françaises avec 150 personnes à bord à la suite d’un acte volontaire du copilote) une reconstitution vidéo a été montrée avec une simulation dans le cockpit jusqu’à une seconde avant le crash. Avant, on a demandé dans la salle qui voulait sortir. Je m’attendais à ce que la moitié de la salle sorte parce que c’était assez dur. Deux personnes sont sorties en tout et pour tout. Ils voulaient savoir.

Q : Est-il humainement difficile de faire son deuil en l’absence de corps ?

R : Pour cela il y a de grandes disparités. Par exemple dans le cas du crash de Charm el-Cheikh (en mer Rouge au large de l’Egypte, le 3 janvier 2004 avec 148 personnes à bord dont 134 Français) où il n’y avait pas beaucoup de restes, certaines familles m’ont dit : "c’est évident, ils étaient sur le vol, on n’a pas besoin du corps". L’important, c’est le rituel, ils ont enterré des choses que la personne aimait. Et puis il y en a d’autres qui ont le besoin d’avoir une preuve. Comme Saint Thomas, il faut qu’ils voient et touchent, sinon il y a toujours un doute. Mais ce n’est pas la majorité. On peut faire un deuil sans corps.

Crédit photos : Source : Le parisien.fr Date : 04/08/2015

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