Procès du "Queen Mary 2" : relaxe pour huit prévenus mais préjudice exceptionnel retenu pour les victimes

Le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire a condamné lundi à une amende totale de 177.500 euros chacun les Chantiers de l’Atlantique et la société Endel, conceptrice de la passerelle du "Queen Mary 2" qui s’était effondrée le 15 novembre 2003. En revanche, les huit employés des deux entreprises également poursuivis pour homicides et blessures involontaires ont été relaxés.

Par ailleurs, le montant total des dommages et intérêts que la société Endel et Chantiers de l’Atlantique devront verser solidairement aux 130 parties civiles s’élève à 9,5 millions d’euros, quatre millions ayant déjà été provisionnés, ainsi que 718.000 euros d’indemnisation de frais d’avocats.

Pour la première fois dans une catastrophe autre qu’aérienne, un tribunal a reconnu l’existence d’un préjudice exceptionnel d’angoisse pour les 45 personnes qui se trouvaient sur la passerelle au moment de son effondrement. Le montant de ce préjudice spécifique a été estimé à 15.000 euros par victime pour les personnes ayant perdu la vie (soit 240.000 euros au total, l’accident ayant fait 16 morts) et 50.000 euros pour chacun des 29 blessés (soit 1,45 million d’euros).

Le tribunal a pris en compte plusieurs éléments pour l’attribution de cette somme, soit l’impression de s’être vu mourir, l’attente des secours dans un contexte particulièrement insoutenable au milieu de corps déchiquetés, ainsi que la perte simultanée -pour certaines victimes- de plusieurs membres de leur famille et le fait de n’avoir pas pu assister à leurs obsèques.

Le tribunal a reconnu dans son jugement que des fautes avaient été commises -sauf pour le chef de chantier-coordinateur de la SAS Endel- mais que ces fautes ou manquements ne pouvaient, selon la loi, être caractérisés, c’est-à-dire qu’il n’était pas possible de reprocher aux personnes physiques d’avoir exposé autrui à un risque d’une particulière gravité qu’ils ne pouvaient ignorer.

En revanche, les deux personnes morales jugées, les entreprises Endel et Chantiers de l’Atlantique, ont été condamnées à 150.000 euros d’amende chacune pour le délit d’homicides et blessures involontaires ainsi que 2.500 euros chacune pour chacune des 11 infractions (interruptions temporaires de travail inférieures à trois mois).Le parquet a dix jours pour faire appel du jugement s’il le souhaite.

A l’énoncé du jugement, les parties civiles ont clairement exprimé leur sentiment d’incompréhension. "Oui, nous sommes stupéfaits par la relaxe générale car il y a eu des fautes à des degrés divers qui n’ont pas été reconnues par le tribunal", résumait Yves Violette, président de l’association des victimes de la passerelle du "Queen Mary 2" à sa sortie du tribunal. "Nous sommes en revanche soulagés de voir, sur le plan civil, que le préjudice exceptionnel a été retenu".

Le 15 novembre 2003, 15 personnes avaient perdu la vie et 29 autres étaient blessées lors de l’effondrement d’une passerelle d’échafaudage, montée entre le quai et le paquebot construit sur les Chantiers de l’Atlantique. Les victimes avaient fait une chute de dix-huit mètres, tombant dans la cale sèche où se trouvait le navire. En 2005, une seizième personne est décédée des suites de ses blessures.

Le Nouvel Observateur, le 11 février 2008.


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes