Orages meurtriers : une prévention défaillante

Le bilan des pluies torrentielles qui se sont abattues sur le Var mardi s’est encore alourdi : 25 morts sont à déplorer. François Fillon présidera aujourd’hui une réunion des ministres concernés sur les conséquences des inondations. Pour les autorités comme pour les citoyens, la question est de savoir si un tel événement météorologique peut être mieux prévu et géré. « Nous avons sous-estimé le risque de submersion et de ruissellement », a ainsi estimé, ce jeudi, la secrétaire d’État à l’Écologie, Chantal Jouanno.

Des alertes météorologiques imprécises
Météo France avait, dès lundi, annoncé 150 mm d’eau dans la région. Il en est tombé jusqu’à 400 par endroits. « En l’état actuel de nos connaissances, c’est le mieux que nous pouvions faire », explique Jacques Manach, directeur interrégional de Météo France pour Paca, Languedoc-Roussillon et la Corse. Pour les scientifiques, il est quasiment impossible de prévoir l’intensité d’un événement de ce type. Des modèles mathématiques, reposant sur des mesures de pluie et de débit en temps réel ainsi que sur des modèles de représentation du fonctionnement hydrologique et hydraulique du bassin versant, fournissent des prévisions de débit. Le délai d’anticipation de ce genre de système dépend de plusieurs facteurs : le temps de réaction du bassin versant aux pluies, la pertinence des modèles utilisés, la qualité des prévisions de pluie. Ainsi, il est plus facile de mesurer les conséquences des précipitations tombées pour la Seine, qui a un bassin versant de 44.000 km2, que pour la Nartuby et le Gapeau (les rivières du Var qui ont débordé), dont le bassin versant est de moins de 100 km2. Pour la Seine, par exemple, la préfecture demande aux scientifiques d’être capables de donner l’alerte trois jours avant une éventuelle crue. Or ils sont capables de fournir des données réellement fiables entre 36 et 48 heures avant la crue. Pour des petits cours d’eau, la prévision est donc impossible… au-delà de quelques minutes. Des outils expérimentaux sont actuellement en développement chez Météo France et au Cemagref. Ils visent à fournir une information qualitative sur le risque en cours dans les petites rivières partout en France.

Des élus locaux trop sollicités

Aux yeux des maires, l’alerte des populations en cas de risque météorologique relève du casse-tête. « Les préfectures se déresponsabilisent en envoyant aux mairies les messages d’alerte venant de Météo France, sans préciser le degré de gravité », explique l’Association des maires ruraux de France. « Nous sommes abreuvés de bulletins de vigilance orange. Or, une fois sur deux, nous ne sommes pas concernés. Cela décourage les bonnes volontés », raconte Jacques Drouhin, maire de Flagy, en Seine-et-Marne. « Nous recevons des bulletins de la part des préfectures par télécopie. Or ces informations tombent parfois quand la mairie est déjà fermée. Les préfectures comptent sur la bonne volonté des maires pour réagir, mais elles ne nous aident pas », note-t-il, tandis que Marie-France Beaufils, maire de Saint-Pierre-des-Corps, en Indre-et-Loire, et spécialiste de la question, déplore le contenu de ces messages. « Les préfectures doivent être plus précises pour qu’on réagisse. On ne sait pas si on doit évacuer la population ou si on doit lui demander de rester chez elle. »

Des habitants mal informés

« Dans les communes rurales, il faudrait installer des sirènes, mais elles sont coûteuses », souligne Jacques Drouhin, qui envisagerait, lui, de faire du porte-à-porte avec les bonnes volontés du village rassemblées au sein d’une équipe d’alerte. Mais, pour Marie-France Beaufils, l’État devrait mettre la main au porte-monnaie pour aider au financement de systèmes de sonorisation de rues situées dans des communes à risque. « Il faut aussi étudier la possibilité de communiquer par SMS avec accusé de réception », dit-elle. Pour l’heure, d’autres municipalités misent sur des procédés d’alerte plus rudimentaires. Ainsi, à Clamecy, dans l’Yonne, commune de 5000 habitants, on signale qu’on sortirait une voiture de police municipale équipée d’un haut-parleur pour mettre en alerte la population en cas de danger.

LE FIGARO.fr, par Anne Jouan, Delphine Chayet, Angélique Négroni, le 17 juin 2010.


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