Airbus d’Air France : les trois raisons du crash de Toronto

Le rapport qui sera publié aujourd’hui au Canada met en cause l’équipage de la compagnie française.

Comme pour la plupart des accidents, plusieurs causes, isolément anodines, conduisent au drame quand elles sont simultanées. Le crash du vol AF 358 Paris-Toronto du 2 août 2005 – avion détruit, 43 blessés légers – n’échappe pas à la règle. Il suffit d’enlever un des trois principaux facteurs relevés pour éviter le drame. L’Airbus A ?340, atterrit dans des conditions météo exécrables (orage, vents violents et tournants), « 1220 mètres après le seuil de la piste 24L, longue de 2743 mètres », note le rapporteur canadien Real Levasseur. Une fonction du pilote automatique de l’Airbus a pu compliquer la gestion de l’approche, mais il reste 1 500 mètres de béton pour s’arrêter. C’est suffisant pour cet avion.

Deuxième facteur, la piste est dite « contaminée », car elle est recouverte de plus de 3 millimètres d’eau. Les contrôleurs de la tour de Toronto restent pourtant évasifs : ils sont mal renseignés, car plusieurs capteurs ont été détruits par la foudre. Or, sur ce tapis glissant comme du verglas, les freins de l’avion sont peu efficaces. Enfin, le copilote aux commandes se prépare mentalement à une remise de gaz. Mais la décision relève du commandant de bord ne souhaite pas repartir pour un tour de piste dans l’orage.

Un équipage désordonné
Conséquence : plus de 12 secondes sont perdues avant d’enclencher les inverseurs de poussée des réacteurs et ralentir. Le contenu exact des conversations n’est pas joint au rapport, car une loi canadienne « informatique et libertés » interdit la publication d’un enregistrement réalisé sur le lieu de travail. En revanche, le cursus des pilotes est bien connu : instructeur, le commandant de bord, deux ans plus tôt, n’avait pas alors jugé le copilote apte à devenir « captain ». On imagine l’ambiance en vol, les non-dits, le ressentiment inconscient. Autre facteur humain, l’un a fait toute sa carrière à Air France, l’autre vient d’Air Inter.

L’animosité entre les deux cultures d’entreprise, dix ans après la fusion, s’est atténuée mais ne peut être ignorée. Lors de l’évacuation, le comportement de l’équipage commercial n’a pas été conforme aux procédures. « Le chef de cabine principal a déclenché l’opération, le commandant de bord étant KO après avoir heurté le pare-brise du cockpit », explique un spécialiste ayant pris connaissance du rapport.

Les passagers sont sortis de l’avion dans le plus grand désordre, certains emportant leurs bagages de cabine, ce qui risquait de bloquer la circulation des autres. Hôtesses et stewards n’étaient pas tous à la place assignée lors des entraînements, au point que ce sont des passagers qui ont extrait les deux pilotes du cockpit.

Pire encore plusieurs hôtesses étaient sur le tarmac avant même les passagers… Avec l’inclinaison de l’avion tombé dans un fossé, seules les issues du côté droit étaient utilisables mais elles ne se sont pas toutes ouvertes. Deux toboggans ne se sont même pas dépliés. Quand les pompiers de l’aéroport arrivent, ils ne disposent pas des plans de l’Airbus A ?340-300...

Les Canadiens n’ont toujours pas balayé devant leur porte. Le ravin, à 200 mètres du bout de la piste 24L, attend le prochain crash. Il n’a pas été remblayé.

Le Figaro.fr, par Thierry Vigoureux, le 12 décembre 2007.


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