SOS Attentats : Françoise Rudetzki interpelle l’État

L’association SOS Attentats s’autodissout. Sa fondatrice, Françoise Rudetzki, est venue en aide aux victimes du terrorisme pendant 25 ans. Elle suggère aujourd’hui aux pouvoirs publics de mettre en place « une structure avec des moyens humains et financiers plus importants ».

Toujours coquette, Françoise Rudetzki aurait aimé pouvoir cacher ses béquilles pour être plus belle sur la photo. Elle contemple une dernière fois la cour des Invalides, où Michèle Alliot-Marie lui avait trouvé des locaux pour poursuivre son combat. La dame qui défend les victimes du terrorisme - et qui fut elle-même atteinte par une bombe à Paris en 1983, au temps d’Action directe - a été contrainte de dissoudre son association SOS Attentats ce week-end. Cette décision crée un vide et peut-être même un malaise dont le juge Bruguière se fait l’écho, à sa manière : « J’ai du mal à parler au passé de cette aventure. Cette femme est tout simplement extraordinaire », confie-t-il, ému.

23 décembre 1983. Françoise Rudetzki, alors directrice d’un magasin de mode, célèbre ses 10 ans de mariage au Grand Véfour, près du Palais-Royal. L’explosion qui survient ce soir-là dans la salle la blesse aux jambes. Elle subira soixante opérations pour pouvoir marcher à nouveau. À la réouverture du restaurant, en 1985, un journal écrit : « La bombe a fait plus de bruit que de mal ». Cet article va faire l’effet d’un électrochoc. À compter de cet instant, pour combattre l’indifférence et l’oubli, elle fonde SOS Attentats, avec une cinquantaine d’autres victimes de la rue Marbeuf et de la rue des Rosiers en 1982, d’Orly en 1983, des Galeries Lafayette de Paris en 1985, de la rue de Rennes, de Gibert-Jeune et du Claridge en 1986.

Son combat va fédérer les quelque 3 000 victimes françaises d’attentats. Qui obtiendront, grâce à son obstination, la création d’un fonds de garantie, mais aussi la reconnaissance en 1990 du statut de victime civile de guerre, ouvrant droit aux soins gratuits et à la protection due aux pupilles de la nation pour les orphelins. La même année, SOS Attentats sera autorisée à se constituer partie civile dans les procès des actes de terrorisme. Un droit de vigilance allait enfin pouvoir s’exercer pour que tous les terroristes soient poursuivis et jugés.Dans son bureau des Invalides, Françoise Rudetzi rassemble ses souvenirs. Elle revoit Max Frerot, l’artificier d’Action directe, d’ordinaire vindicatif, dans le box des accusés, baisser les yeux quand vient témoigner une humble coutière portugaise rendue aveugle par la bombe que son groupuscule avait posée rue de la Baume, à Paris.

Créer « une structure pérenne »

Sans elle, et sans Bruguière, pas de procès de l’attentat du DC-10 d’UTA qui aura permis d’incriminer la Lybie, état terroriste, jusqu’au propre beau-frère du colonel Khadafi. Malgré les menaces et les insultes, cette dame de fer à la voix si douce n’a jamais ressenti de haine pour ses bourreaux. Mais elle n’oublie rien. Ni les amnisties des années Mitterrand qui coûteront la vie au général Audran ou à Georges Besse, ni le non-lieu prononcé dans son affaire du Grand Véfour. « Comme si l’attentat n’avait pas eu lieu ! », s’indigne-t-elle.

Elle est retournée depuis dans l’établissement, l’été 2004. Dans un livre biographique paru cette année-là, elle a revécu, dans un flot de larmes, ce dixième anniversaire de mariage, à cette table maudite.Infectée par le virus du sida lors des transfusions sanguines réalisées au cours de ses multiples opérations, elle a tu ce terrible secret des années durant pour protéger sa fille. La France n’a pas connu d’attentat de grande am­pleur depuis douze ans. Le sort des victimes, dont cette femme fut la voix, suscite peut-être moins de compassion aujourd’hui. Et les aides se font plus rares. Fatiguée, mais confiante, Françoise Rudetzki forme un dernier vœu : « Que Nicolas Sarkozy crée une structure pérenne, pour que les victimes d’attentats n’aient plus à mendier une juste réparation. »

Le Figaro, Jean-Marc Leclerc, 23/09/2008


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