INTERVIEW - "Les familles réclament la vérité"

Il y a un an, 152 personnes ont péri au large des Comores dans l’accident de l’Airbus A310 exploité par la Yemenia. Ahmed Mohamed, président de l’association marseillaise des familles de victimes, déplore le manque de coopération des autorités comoriennes et yéménites pour mener l’enquête.

Où en est-on de l’enquête menée par la commission comorienne depuis le repêchage des boîtes noires fin août 2009 ?

L’enquête n’est pas au point mort mais elle est au ralenti. Plusieurs raisons expliquent cela. Tout d’abord, le rapport d’étape n’a pas été communiqué par les autorités comoriennes. Et la compagnie Yemenia n’a pas donné d’informations sur les membres de l’équipage.

Comment expliquez-vous ces blocages ?

Pour nous, l’Etat comorien est de mèche avec la Yemenia. Alors que les corps des victimes n’avaient pas tous été identifiés, nos avocats dépêchés sur place se sont rendu compte que le contrat qui fait de la Yemenia la compagnie nationale des Comores avait été renouvelé. C’est un cadeau fait à la Yemenia qui détient aujourd’hui 96% du trafic à destination de Moroni. S’il n’y a pas un intérêt politique, il y a tout du moins un intérêt économique.

Comment s’est comportée la compagnie Yemenia à l’égard des familles des victimes ?

C’est une compagnie qui ne connaît que le mépris et le manque de respect. La Yemenia doit prendre en charge la création d’un cimetière digne de ce nom pour les victimes. C’est une obligation qui est prévue en cas de crash aérien. Lorsqu’on a exigé des sépultures respectables, la Yemenia a botté en touche. Aujourd’hui les victimes reposent dans une fosse commune, dans un véritable charnier au sud de Moroni, comme cela se pratiquait au Moyen-Age lorsque les gens avaient des maladies contagieuses.

Quel rôle jouent les autorités yéménites ?

Elles ne nous ont même pas adressé de mot de condoléances ! Aujourd’hui, elles ne coopèrent pas. On ne connaît pas les véritables raisons de l’accident mais on s’oriente vers la piste de l’erreur humaine, liée à l’entretien de l’appareil et à l’incompétence du personnel de bord. Or, lorsque les juges français demandent une commission rogatoire internationale, Sanaa répond que ce n’est pas urgent. C’est d’autant plus scandaleux que la compagnie est soupçonnée d’avoir confié l’appareil à un pilote qui n’avait pas de licence professionnelle de pilote de ligne mais seulement une licence commerciale. Pourquoi attendent-ils pour nous dire le contraire si ce n’est pas vrai ? Ce sont des délinquants de l’espace aérien qui ont conduit nos proches à la catastrophe.

Comment accueillez-vous l’annonce de Bernard Kouchner et de Dominique Bussereau qui souhaitent que le rapport préliminaire soit rendu public dans les meilleurs délais ?

Je suis très content de cette nouvelle. Je vois que la France joue pleinement son rôle. Elle a toujours été de notre côté, qu’il s’agisse de la récupération des corps ou de la récupération des boîtes noires et de la lecture des données. Même si l’enquête piétine, je reste confiant. La vérité est tellement puissante qu’elle finira par rejaillir au visage de ceux qui souhaitent la camoufler.

Marie Herbet Le Figaro.fr /1er juillet 2010.


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