Le Conseil constitutionnel juge inconstitutionnelles les gardes à vue de droit commun

Le Conseil constitutionnel a déclaré, vendredi 30 juillet, inconstitutionnel le régime de gardes à vue pour les délits et les crimes de droit commun. Il demande l’abrogation des articles 62, 63, 63-1, 63-‘ et 77 du code de procédure pénale. La déclaration d’inconstitutionnalité ne prendra effet qu’au 1er juillet 2011. Les Sages laissent un peu moins de onze mois au gouvernement et au Parlement pour reconstruire un régime de garde à vue en France. Le Conseil constitutionnel a cependant jugé conformes à la Constitution les gardes à vue en matière de terrorisme et de criminalité organisée.

La refonte du système français pourrait avoir pour conséquence de permettre la présence d’un avocat avec consultation du dossier lors des gardes à vue : "Il est sûr que cela va compliquer nos affaires, notamment celles qui sont en flagrant délit avec pluralité d’auteurs et complices", a réagi le syndicat policier Alliance.

"Dans ce genre d’affaires, qui sont des affaires de tous les jours, on a besoin de temps, de confidentialité. La présence de l’avocat va sûrement freiner l’enquête et la perturber. C’est comme si on donnait son jeu à un joueur de cartes, il est quand même plus facile pour lui de gagner."

Le syndicat Unité-SGP-Police a pour sa part déclaré qu’il ne s’attendait pas à une décision "aussi brutale". "Si on revient à la vidéo, à des enregistrements en matière de mineurs, de crimes, ce sera très compliqué. Nous sommes capables de nous adapter, pourquoi pas, mais à condition que nous allégions la procédure en elle-même, qui est très très lourde."

La décision du Conseil constitutionnel est un coup de tonnerre. Les sages de la rue Montpensier considèrent que la garde à vue ne permet plus de concilier "d’une part la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties".

Les circonstances de fait et de droit ont changé depuis l’examen de la garde à vue par le Conseil constitutionnel en 1993, à commencer par " un recours de plus en plus fréquent à la garde à vue", qui ont conduit à la "banaliser". Il y a eu plus de 790 000 mesures de gardes à vue en 2009.

Le Conseil relève que les procédures soumises à l’instruction représentent moins de 3% des jugements et ordonnances correctionnelles. Conséquence : "Une personne est désormais le plus souvent jugée sur la base des seuls éléments de preuve rassemblés avant l’expiration de sa garde à vue". Les Sages notent aussi que le nombre d’officiers de police judiciaire a doublé depuis 1993, mais que "les exigences conditionnant l’attribution de la qualité d’officier de police judiciaire" ont été réduites.

Pour autant, les Sages ne remettent pas en cause le principe de la garde à vue qui "demeure une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations". Ils ne fixent pas de lignes de conduite précises au gouvernement pour rédiger son texte. Il ne donne pas son avis sur la présence de l’avocat lors des interrogatoires, par exemple. Au gouvernement d’apporter "les garanties appropriées encadrant le recours à la garde à vue ainsi que son déroulement et assurant la protection des droits de la défense".

En tant que juges, les Sages du Conseil ne disent pas au gouvernement ce qu’il doit écrire. Ils fixent les grandes lignes, tout en sachant qu’ils seront amenés à se prononcer une fois la nouvelle loi adoptée. Enfin, le Conseil constitutionnel ne censure pas les dispositions régissant les gardes à vue en matière de terrorisme et de criminalité organisée, qui permettent de détenir un suspect jusqu’à 96 heures. Il les a jugées constitutionnelles en 2004.

LE GOUVERNEMENT PRÉPARE LES "MESURES QUI S’IMPOSENT"

Réagissant à la décision de la haute juridiction, le premier ministre, François Fillon, a déclaré dans un communiqué que le gouvernement préparait "en conséquence, les mesures législatives qui s’imposent". "Elles s’inscriront dans le cadre de la réforme d’ensemble de la procédure pénale", a-t-il ajouté, précisant que "le texte de cette réforme sera transmis dans les prochaines semaines au Conseil d’Etat". Selon le premier ministre, la décision du Conseil constitutionnel "laisse, au législateur, une grande marge d’appréciation pour encadrer les possibilités du placement en garde à vue et pour améliorer les modalités d’intervention de l’avocat".

"Les décisions du Conseil constitutionnel s’inscrivent totalement dans le cadre de la réforme de la procédure pénale initiée il y a plus d’un an par Michèle Alliot-Marie", a déclaré à l’AFP le porte-parole de la chancellerie, Guillaume Didier. "Michèle Alliot-Marie va enrichir son projet de réforme au regard des analyses du Conseil constitutionnel, avant de le transmettre au Conseil d’Etat très prochainement", a-t-il ajouté.

Alain Salles / Le Monde / Le 30 juillet 2010


Les policiers inquiets

Les syndicats de policiers se sont inquiétés vendredi de l’avis du Conseil constitutionnel, qui a déclaré contraires aux droits fondamentaux les principaux articles du code pénal régissant la garde à vue.

La refonte du système français pourrait avoir pour conséquence de permettre la présence d’un avocat avec consultation du dossier lors des gardes à vue : "Il est sûr que cela va compliquer nos affaires, notamment celles qui sont en flagrant délit avec pluralité d’auteurs et complices", a réagi le syndicat policier Alliance.

"Dans ce genre d’affaires, qui sont des affaires de tous les jours, on a besoin de temps, de confidentialité. La présence de l’avocat va sûrement freiner l’enquête et la perturber. C’est comme si on donnait son jeu à un joueur de cartes, il est quand même plus facile pour lui de gagner."

Le syndicat Unité-SGP-Police a pour sa part déclaré qu’il ne s’attendait pas à une décision "aussi brutale". "Si on revient à la vidéo, à des enregistrements en matière de mineurs, de crimes, ce sera très compliqué. Nous sommes capables de nous adapter, pourquoi pas, mais à condition que nous allégions la procédure en elle-même, qui est très très lourde."


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