Mont Blanc : une poche d’eau glaciaire menace les vallées

Une masse de 65.000 tonnes d’eau s’est accumulée dans une poche sous le glacier de la Tête-Rousse. Si elle se déversait brutalement dans la vallée, ce sont plus de 900 familles et de nombreux touristes dont la vie serait mise en danger.

1892. Une poche d’eau sous-glaciaire, située sous la tête du glacier de Tête-Rousse, dans la vallée du Mont Blanc, fait sauter un bouchon de glace pour se libérer. Les 100.000 tonnes d’eau se déversent en quelques minutes dans la vallée. Arbres, rochers, graviers et sédiments viennent grossir une coulée qui se transforme peu à peu en « lave torrentielle ». Les vallées du Bionnassay, du Bon Nuant et de Bionnet au Fayet sont ravagées par ce monstre d’un million de mètres cube. L’établissement thermal de Saint-Gervais est détruit. La lave emporte avec elle les vies de 175 personnes.

La découverte d’une nouvelle poche d’eau, d’un volume estimée à 65.000 m3, sous le même glacier, vient aujourd’hui raviver le douloureux souvenir. Christian Vincent, géomètre et topographe au CNRS spécialisé dans les observations glaciologiques, explique qu’une anomalie a été observée dans les relevés de 2007. Des analyses par résonnance magnétique ont confirmé les craintes des chercheurs le 13 juillet dernier. Une nouvelle poche menace la vallée.

L’imminence de la rupture reste inconnue

L’installation du sysème d’alerte est en cours. Des travaux dansgereux à plus de 3000m d’altitude. Crédits photo : AFP
« Le risque de rupture existe, ne serait-ce qu’en référence avec 1892, mais son imminence nous reste inconnue », tempérait toutefois le préfet de Haute-Savoie, Jean-Luc Videlaine. « Cela peut très bien rompre maintenant, dans 100 ans ou dans 1000 ans », constate le maire de Saint-Gervais. Ces poches restent en effet très mal comprises par les scientifiques. Elles peuvent se former sous le glacier (poche sous-glaciaire) ou à l’intérieur (poche intra-glaciaire). L’eau des fontes vient s’y accumuler peu à peu. Quand la pression devient trop grande, un bouchon de glace est expulsé du glacier et la gigantesque masse d’eau est libérée. C’est probablement le plus spectaculaire danger que recèlent les glaciers.

Deux millions et demi d’euros ont donc été investis pour apporter des solutions. L’Etat et des fonds européens apporteront 80% de la somme, la commune de Saint-Gervais et le département de Haute-Savoie, financent le reste. Les habitants ont ainsi appris mercredi qu’un système d’alerte à la rupture était d’ores et déjà en cours de réalisation. Une partie serait d’ores et déjà opérationnelle. En outre, à partir du 20 août, « des travaux de pompage vont commencer afin de prévenir tout risque de rupture », a annoncé le maire. Seule une cavité contenant 25.000m3 a pu être localisée avec suffisamment de précision, à 75 mètres de profondeur, et devrait pouvoir être vidangée.

Un risque accru par l’urbanisation et la fréquentation du site
Il s’agit de protéger plus de 900 familles et une zone fréquentée par de nombreux touristes le glacier est situé sur la voie normale d’ascension du Mont Blanc. « Il ne faut pas se voiler la face, l’urbanisation et la fréquentation touristique du glacier rendent le risque bien plus important qu’en 1892 », s’inquiète le maire.

De son côté Christian Vincent explique que l’origine de la poche « reste encore inexpliquée ». « Le réchauffement climatique qui a diminué l’épaisseur du manteau neigeux situé sur le glacier » pourrait expliquer le phénomène. Cela reste toutefois très difficile à déterminer. De manière paradoxale, le glacier serait en effet moins protégé du froid l’hiver ce qui boucherait une partie des voies d’écoulement naturelles. L’eau s’accumulerait donc pour former ces dangereuses réserves d’eau.

Tristan VEY / Le Figaro / 29 juillet 2010


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