Crash d’Air Moorea : une cascade de causes " contributives "

Sans se prononcer sur les responsabilités, le rapport définitif du BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile) indique des "causes contributives" à l’usure confirmée du câble de commande de la gouverne de profondeur du Twin Otter d’Air Moorea qui s’est crashé le 9 août 2007. Les familles, encore sous le choc, ont été les premières à en prendre connaissance.Le haut-commissaire a reçu, mercredi matin, Alain Boullard, enquêteur désigné au sein du BEA, et Martine del Bono, chargée de communication du Bureau Enquêtes et Analyses. Ceux-ci lui ont remis le rapport final, public, de l’enquête technique réalisée pour connaître les causes de l’accident du Twin Otter F-OIQI survenu au large de Moorea, quelques secondes après son décollage de l’aéroport de Temae (Moorea). Avant d’en informer la presse, le haut-commissaire Adolphe Colrat avait tenu à "donner la primeure" de ces informations aux représentants des familles des victimes, réunies en association.

Les familles attendent l’enquête judiciaire

En conséquence des constats de l’enquête, relativement à ces différents points, le document émet six recommandations de sécurité au constructeur, aux autorités de navigabilité et à la compagnie aérienne a encore énoncé M. Boullard en précisant que cette enquête, étant purement administrative, cherchait à déterminer les causes de l’accident mais en aucun cas à définir des responsabilités.

"Le rapport a été très clair", explique l’un des représentants des familles de victimes en précisant que la tension n’est pas tombée. "On est encore sous le choc ", exprime un autre, après la projection d’une simulation de l’accident qui les a replongés dans les circonstances du drame. "Le pénal va arriver et on va suivre de très près parce que là, ces défauts de maintenance qui ressortent tout le temps, c’est intolérable. Donc, il y aura des responsabilités, forcément".

Nicolas Fourreau, président de l’association des victimes du crash d’Air Moorea explique pour sa part qu’ " il y a manifestement des fautes d’une structure, d’une personne morale, d’une entreprise qui n’a pas travaillé correctement. Il faut mettre cela en évidence pour que cela ne se reproduise pas".

Un probable effet de "jet blast"

Au moment de la rentrée des volets, la rupture du câble de commande de la gouverne de profondeur est la cause directe de l’accident, comme l’avait déjà précisé un rapport d’étape du BEA, en décembre 2007. L’analyse a en effet montré que le câble en acier inoxydable de cette gouverne présente des zones d’usure importante, "de l’ordre de 50%".

Le rapport notant "la prise en compte incomplète par le constructeur, et l’autorité de navigabilité du phénomène d’usure", M. Boullard a néanmoins précisé que la seule pression du pilote (env. 50kg maximum) sur les commandes de l’appareil ne pouvait pas justifier sa rupture, seule une autre cause, de l’ordre de 500 kg a pu causer la rupture finale du câble.

Pour les inspecteurs, il pourrait s’agir d’un effet de "jet blast", autrement dit, l’effet du souffle de réacteur d’un gros porteur. Le Twin Otter F-OIQI, comme les autres appareils de la compagnie y stationnait la nuit. Le rapport du BEA note, à ce propos "la prise en compte incomplète par les autorités de navigabilité, les exploitants aéroportuaires et les exploitants d’aéronef, des risques liés au souffle des réacteurs".

Mais aussi une déficience d’inspection

Le rapport pointe également l’absence d’inspection spéciale de ce type de câble, en acier inoxydable, dans un environnement soumis à l’air marin. Une absence due à une modification du planning de maintenance de l’appareil par laquelle cette nécessité a été "oubliée". Ces câbles avaient été installés, neufs, le 11 mars 2005, et avaient été déposés et reposés en octobre 2006, avant la livraison de l’avion à Air Moorea. Le programme d’inspection et de remplacement est le même que pour les câbles en acier carbone, moins sujets à la rupture, mais plus sensibles à la corrosion. Une intervention de surveillance, effectuée le 6 mars 2007, " n’avait pas fait apparaître de dysfontionnement de l’organisme d’entretien pouvant porter atteinte à la sécurité des vols", précise toutefois le rapport qui met en cause, cependant, les règles de remplacement des câbles en acier inoxydable.

Parmi les autres facteurs ayant pu contribuer à l’issue dramatique de l’accident, le rapport du BEA mentionne également " l’absence d’information des pilotes sur une perte de contrôle en tangage". Alain Boullard a toutefois expliqué que cela n’est pas spécifique à Air Moorea. La compagnie domestique, quant à elle, indique ce mercredi dans un communiqué qu’elle "a toujours manifesté sa volonté de connaître les causes" de cet accident et qu’elle a déjà pris en compte les recommandations émises par le BEA.

Le rapport définitif du BEA sur le site www.bea.aero

Tahiti Presse, 3 décembre 2008


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes