Douze mois de prison avec sursis requis pour le propriétaire de Bal Parc

Il a passé la majeure partie de l’audience les mains sur les hanches, comme pour se donner une certaine assurance. Charles Vanhée, 62 ans, costume marron foncé, moustache blanche, propriétaire de Bal Parc à Tournehem, était jugé hier après-midi pour mise en danger de la vie d’autrui et blessures involontaires.

Pascal Marconville, procureur de la République, a requis à son encontre douze mois de prison avec sursis. Le jugement a été mis en délibéré au 2 novembre.

Le 29 avril 2007, un terrible accident survient sur le manège Le Parachute, la nouvelle attraction du parc. Vingt-quatre blessés sont à déplorer, dont quatre graves. L’un d’eux devra même subir une intervention neurochirurgicale. Au total, 22 personnes ont connu une ITT comprise entre un et dix jours, deux autres une ITT de 42 jours et une dernière une ITT de 92 jours. Très vite, les enquêteurs pointent du doigt la vétusté du manège.
Hier après-midi, le tribunal de Saint-Omer est revenu sur ce tragique après-midi du printemps 2007, les juges cherchant à comprendre comment un tel drame a pu avoir lieu.
Le Parachute a été mis en service en 1972. Le jour de l’accident, c’est donc une attraction de 35 d’âge qui accueille un public familial, avec de nombreux enfants, alors que le constructeur lui prédisait une durée de vie de 15 à 20 ans.

« J’ai respecté toutes les obligations »

Tout au long de « sa carrière », le manège est passé entre les mains de six propriétaires différents, allant de fête foraine en fête foraine. Mais entre 2000 et 2007, l’attraction croupit dans un hangar, quand elle n’est pas littéralement exposée aux intempéries en plein air durant de longs mois d’hiver.
Les expertises ont démontré que la chaîne d’entraînement du mât avait subi « des réparations de fortune » qui, ajoutées à la vétusté générale du manège, ont entraîné la chute.
Quand Charles Vanhée prend la tête de Bal Parc fin 2006, il décide d’investir dans de nouveaux manèges. Il se porte acquéreur du Parachute pour 15 000 euros, malgré l’absence de notice technique et de carnet d’entretien. Car force est de constater que l’attraction n’est plus de première jeunesse. Des traces apparentes de corrosion sont visibles à plusieurs endroits.
Les Vanhée, père et fils, décident alors de faire appel à un expert, avant l’ouverture de la saison. A l’issue de sa visite de contrôle, effectuée seulement trois semaines avant l’accident, ce dernier assure dans ses conclusions que « l’utilisation correcte du manège ne présente à ce jour aucun risque. » Charles Vanhée décide donc la mise en service du manège. « Je ne me sens pas responsable, affirme-t-il à la barre. Si on m’avait dit qu’il fallait changer la chaîne qui a causé l’accident, je l’aurai fait. C’est comme pour un contrôle technique d’une voiture. Si le garage me dit qu’il faut changer les freins, je le fais sans hésiter. C’est une question de sécurité. Je ne joue pas avec la vie des gens. Je suis forain depuis 40 ans et je n’ai jamais eu un seul accident. »

Les victimes regrettent l’absence d’excuses

Murmures dans la salle d’audience. « Il trouve toujours des excuses », s’emporte l’une des victimes qui a ensuite été conviée à venir s’exprimer à la barre : « Pendant trois ans, on n’a reçu aucune excuse de Charles Vanhée. Il n’a même jamais cherché à prendre des nouvelles des victimes. Il pensait plus à l’image de son parc. Moi, à cause de l’accident, je n’ai pas pu voir mes enfants pendant six mois. » Les conséquences de cette triste journée sont également toujours visibles chez Lydie Fossette, la présidente de l’association des victimes : « Je fais toujours des cauchemars et il m’arrive encore de ressentir des douleurs dans le dos. Je veux que justice soit rendue. » Si le prévenu affirme avec un certain aplomb avoir toujours respecté « ses obligations », le procureur a dû mal à comprendre comment un propriétaire forain, qui se présente comme irréprochable, peut faire tourner ses attractions sans carnet d’entretien ni même notice technique, qui plus est pour une attraction qu’il n’a jamais eue à exploiter durant sa carrière.
« Nous sommes ici en présence de quelqu’un qui savait mais qui n’a pas agi ou de quelqu’un qui ne savait pas alors qu’il devait savoir en sa qualité de professionnel. C’est en ce sens que les victimes ont un sentiment de trahison », souligne Me Claude Liénard, pour les parties civiles.
Même si Pascal Marconville, le procureur, reconnaît « un certain flou artistique » dans la législation ayant trait aux attractions foraines. Du moins à l’époque. Car, depuis février 2008, les propriétaires de manèges doivent respecter un cahier des charges drastiques « alors qu’à l’époque de l’accident de Bal Parc, où on ne se basait que sur le code de la consommation, on pouvait encore monter un manège avec son seul savoir-faire. »

« Flou artistique dans la législation »

Malgré tout, le représentant du ministère public reconnaît de nombreuses « fautes d’inattention » de la part du prévenu. C’est pourquoi, au terme de son réquisitoire, il réclame une amende de 10 000 euros à l’encontre de la Sarl Vanhée en tant que personne morale et une peine de 12 mois de prison avec sursis à l’encontre de Charles Vanhée, ainsi qu’une amende de 20 150 euros. Le procureur requiert également la confiscation et la destruction des scellés, en l’occurrence le manège.
Des réquisitions qualifiées de « justes et cohérentes » par Me Liénard. « Trois ans et demi après l’accident les victimes avaient besoin de ce procès, non pas pour en faire une thérapie mais pour enfin entendre la vérité. » Du côté de l’avocat de la défense, on trouvait en revanche la peine bien trop sévère alors qu’il avait plaidé la relaxe pure et simple de son client. « A l’époque, il n’y avait aucune obligation de vérifier les matériels. D’ailleurs le juge d’instruction ne savait pas sur quel texte se baser pour engager des poursuites. Si, à ce vide juridique, on ajoute le rapport d’expertise rassurant, on peut affirmer que, sur le plan pénal, la responsabilité de mon client peut être fortement discutée. » Le tribunal rendra son jugement le 2 novembre.

Nord Littoral, le 6 octobre 2010


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes