Zoufftgen : les juges apprécieront

Le parquet général considère notamment que les fautes commises par le chef de circulation sont plus importantes que celles commises par l’annonceur de train.

Le jugement rendu en première instance ne rend justice ni aux prévenus, ni aux victimes », a lancé hier en ouverture de sa plaidoirie Me Reuter, l’avocat du chef de circulation au poste d’aiguillage de Bettembourg - Claude T. - le matin de la catastrophe ferroviaire de Zoufftgen. Comme l’avaient fait ses deux confrères, mercredi dernier, lors de leurs plaidoiries respectives, Me Reuter a donc également insisté, hier, sur la responsabilité des CFL dans le drame.

Règlements inadéquats, dispositifs défaillants, manque de formation des agents, notamment en ce qui concerne les situations d’urgence : pour Me Reuter, on ne peut tout simplement pas fermer les yeux sur autant de manquements de la part des responsables des CFL qui, pour certains, auraient donc également dû se retrouver sur le banc des prévenus.

« Je conçois parfaitement l’approche de la défense sur tous ces points », répliquait quelques minutes plus tard, l’avocat général lors de son réquisitoire. Ce dernier souligne toutefois d’emblée que c’est le juge d’instruction qui porte la responsabilité de ne pas avoir retenu de chefs d’accusation à l’encontre des dirigeants des CFL. Et les juges (de première ou seconde instance) ne sont donc pas appelés à statuer sur ces considérations. « Le débat ne porte pas ici sur comment l’instruction a été menée. » L’avocat général clôt le chapitre.

L’ordre écrit : principale cause de l’accident

La responsabilité des CFL écartée, reste donc l’erreur humaine, voire les erreurs humaines commises par les quatre cheminots ce 11octobre 2006 entre 11 h 30 et 11h44. L’ordre écrit adressé par Claude T. au conducteur du train de voyageurs alors qu’un train de marchandises est déjà engagé en contresens reste sans aucun doute la plus emblématique de ces erreurs humaines.
« Nous savons tous que Claude T. n’est ni un fou, ni un meurtrier », indiquait hier Me Reuter à la barre. Se pose alors la question de savoir pourquoi ce chef de circulation a subitement décidé de délivrer cet ordre écrit ? « Claude T. n’a jamais essayé de se dégager de sa responsabilité », poursuit l’avocat tout en soulignant que son client reconnaît sa négligence. Non, il n’a pas pris le soin de vérifier notamment le tableau de contrôle optique qui lui aurait signalé qu’un autre train était déjà engagé sur la voie. Mais Claude T. a toutefois des circonstances atténuantes, explique l’avocat.

Ce matin-là, le chef de circulation était arrivé quatre minutes en retard à son poste. Paul K., chef de circulation de la tournée précédente, n’avait pas attendu qu’il arrive pour effectuer la relève et avait ainsi, avant de partir, transmis les informations sur l’état de la situation à Patrick M., l’annonceur. Ce dernier déclare qu’il a à son tour transmis toutes les informations, dont celle concernant le train de marchandises en provenance de Thionville, à Claude T. lors de son arrivée.
Et c’est là précisément l’un des points d’achoppement entre les deux prévenus. Patrick M. affirme avoir transmis l’information, Claude T. en doute sérieusement. Me Reuter s’est efforcé de démontrer, hier, que les déclarations successives de Patrick M. - auprès de la police, du juge d’instruction, en première instance et lors de ce procès en appel - étaient contradictoires et qu’elles ne tenaient absolument pas la route.

Lors de son réquisitoire, l’avocat général a maintenu les chefs d’accusation à l’encontre de Claude T. et estimé que la peine retenue en première instance (quatre ans de prison dont deux ferme) était donc justifiée.

En ce qui concerne Patrick M., le parquet général doute sérieusement de son honnêteté quand celui-ci affirme qu’il aurait transmis l’information au chef de circulation. Néanmoins, contrairement à ce qu’avait retenu la XVIe chambre correctionnelle en première instance (une peine de trois ans et dix mois de prison ferme), l’avocat général ne s’oppose pas à du sursis. « Je considère les fautes commises par Patrick M. moins importantes que celles de Claude T. », indique d’ailleurs l’avocat général qui demande donc à la cour d’appel de condamner l’annonceur à une peine moins importante que le chef de circulation.

En ce qui concerne Paul K. - condamné en première instance à six mois de prison avec sursis intégral - le parquet général ne s’oppose pas à une révision de la peine. Le rapport causal entre la faute commise (une relève jugée non réglementaire) et l’accident est laissé à l’appréciation des juges.

Le procès en appel de l’accident ferroviaire de Zoufftgen se poursuit demain avec le volet civil de l’affaire.

Le Quotidien du Luxembourg - Olivier Landini - 29 11 2010


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