Air France critiqué sur la sécurité et la formation

La sécurité des vols ne semble pas être la priorité absolue chez Air France, la formation de ses personnels navigants manque d’efficacité tandis qu’une minorité de pilotes fait fi des procédures, selon un rapport d’experts missionnés après le crash du vol Rio-Paris en 2009.

"Lorsqu’ils sont interrogés sur la sécurité des vols, les cadres supérieurs d’Air France (...) placent indiscutablement la sécurité comme priorité numéro 1. Mais ce message ne semble pas avoir été diffusé au sein des effectifs. On n’entend pas couramment +la sécurité avant tout+", écrivent-ils dans ce rapport présenté lundi en interne, et dont l’AFP a obtenu une copie mardi.

"Ceci conduit certains employés à croire que les considérations de sécurité sont secondaires par rapport aux considérations commerciales", ajoutent-ils.

La mission avait été mise en place fin 2009 après l’accident du Rio-Paris pour répondre aux critiques notamment de certains pilotes jugeant la sécurité minimaliste au sein de la compagnie française.

Un Airbus A330 d’Air France, le vol AF447, s’était abîmé dans l’océan Atlantique le 1er juin, faisant 228 morts. Les causes du crash n’ont pas été formellement déterminées, mais l’enquête a mis en évidence une défaillance des sondes de mesure de vitesse (Pitot) que la direction aurait tardé à changer, selon certains syndicats, malgré des incidents à répétition.
"D’une manière générale, il manque une direction forte dédiée à la sécurité, nécessaire pour appréhender correctement la sécurité et prendre des décisions au quotidien", souligne également le rapport.

Les huit experts indépendants, dont un ancien ingénieur en chef du constructeur américain Boeing, Curtis Graeber, et un ancien administrateur de l’autorité américaine de l’aviation civile (FAA) relèvent en outre la complexité de la structure qui conduit à des chevauchements de responsabilités.

"Le SNPL est le moteur dans la démarche de la mission externe, sa première mission est de promouvoir la sécurité des vols. Le rapport est sans complaisance. Il préconise un changement culturel et structurel et le SNPL partage ce constat", a déclaré à l’AFP un porte-parole du principal syndicat de pilotes.

La culture de la sécurité au sein de l’entreprise est davantage réactive que proactive, relèvent ainsi les experts.

En d’autres termes, la direction cherche à éviter qu’un incident ne se reproduise et non "à comprendre l’événement en tant que symptôme d’une défaillance du système".

En ce qui concerne les pilotes, leur manuel opérationnel leur permet de ne pas appliquer strictement les procédures Air France, "si nécessaire pour la sécurité des passagers et de l’avion", ce qui est généralement admis lorsqu’il y a un danger imminent, notent les experts.

"Malheureusement, il y a un petit pourcentage de commandants qui abuse de cette philosophie générale et ignore systématiquement certaines directives", écrivent-ils.

Ces derniers font état de relations difficiles entre pilotes et personnels de cabine ou de la maintenance, certains pilotes se comportant de manière "autoritaire" et "arrogante".

Le rapport épingle enfin la formation des navigants.
Les pilotes comme les hôtesses et stewards ont déploré leur formation qu’ils jugent "inefficace, trop théorique et routinière".

Parmi les 35 recommandations que la direction a déjà commencé à mettre en oeuvre, se félicitent les experts, figure la création d’un comité de sécurité. Le recrutement initial des pilotes doit également être revu.
Leur application sera longue, conclut le rapport.

"Mis à part l ?encadrement, au sens large, aucun autre métier n’hérite de recommandations", a déploré de son côté l’UNPL, un autre syndicat.
"Les auteurs de ce rapport ne sont pas allés vérifier ces thèses par eux-mêmes dans les avions d’Air France", a-t-il enfin insisté.

Delphine TOUITOU AFP 25 janvier 2011


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