Deux informations judiciaires ouvertes à Paris sur le Mediator

Le parquet de Paris a ouvert vendredi deux informations judiciaires pour "tromperie aggravée" et "homicides et blessures involontaires" dans l’affaire du Mediator, ce qui devrait retarder de plusieurs années l’issue judiciaire de ce scandale de santé.

Ce médicament du laboratoire Servier, présenté comme un antidiabétique mais parfois prescrit comme coupe-faim, aurait fait de 500 à 2.000 morts en France entre 1976 et 2009, alors que les risques d’affections cardiaques mortelles étaient connus dès les années 1990.

Ces procédures à Paris pourraient provoquer l’annulation du procès pour tromperie prévu fin septembre à Nanterre (Hauts-de-Seine) et faire durer l’affaire plusieurs années, en raison des enquêtes induites par une information judiciaire.

L’Assurance maladie et plusieurs mutuelles ont déjà porté plainte pour le préjudice lié au remboursement du Mediator et des centaines de personnes ont porté plainte pour homicide et blessures involontaires.

Dans un communiqué, le procureur de la République de Paris annonce l’ouverture d’une information judiciaire visant les faits de "tromperie aggravée par la mise en danger de l’homme ainsi que ceux d’ingérence et de prise illégale d’intérêt, de complicité et recel de ces délits".

Une deuxième information judiciaire vise les faits "d’homicides involontaires par violation manifeste d’une obligation de sécurité ou de prudence" et de "blessures volontaires aggravées", ainsi que la complicité de ces délits.

À la différence de la tromperie, la thèse de l’homicide involontaire requiert pour être démontrée plusieurs expertises médicales pour chaque plaignant.

Les deux procédures concernent la période du 23 novembre 1973 - date de la demande d’autorisation de mise sur le marché - au 20 juillet 2010 - date du retrait du marché du Mediator.

Le procureur Jean-Claude Marin va maintenant désigner des juges d’instruction indépendants.

Les deux procédures se télescopant, le procureur de Nanterre Philippe Courroye envisage de demander le dessaisissement de son tribunal au profit de Paris, ce qui mettrait fin à sa procédure, selon une source proche du dossier.

L’avocat des plaignants de Nanterre a déploré un choix qui fera traîner une affaire pouvant selon lui être jugée en l’état.

"On avait la possibilité de faire juger dans un délai rapide. Pour nous, la saisie d’un juge d’instruction est plutôt retardatrice", a dit à Reuters Me François Honnorat, regrettant que l’infraction de tromperie soit mise dans le même cadre que des infractions économiques plus complexes, comme l’ingérence et la prise illégale d’intérêt.

"Il n’y a pas d’explication rationnelle d’un point de vue juridique et judiciaire.

"C’est une manière de retarder le jugement de ce chef-là au détriment des victimes", a-t-il ajouté, avançant une explication politique : "Faire juger la tromperie à l’automne, c’est peut-être pas un calendrier qui convient au gouvernement qui souhaitait qu’à ce moment-là soit discuté son projet de réforme de la gestion du médicament", promis par Nicolas Sarkozy.

Me Hervé Témime, avocat de Jacques Servier, fondateur du laboratoire éponyme, a souligné que l’instruction serait plus rapide concernant la tromperie que pour les homicides et blessures involontaires.

"L’indemnisation des patients qui pourront démontrer un préjudice en relation directe avec la prise du médicament sera déconnectée de toute responsabilité pénale", a-t-il déclaré sur France Info, jugeant "tout à fait normale" la décision du parquet de Paris.

www.lexpress.fr Par Reuters - publié le 18/02/2011.


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