Explosion de gaz, rue Arthur-Rimbaud : La décision sera rendue le 29 mars

SAINT-QUENTIN (Aisne). Dans le procès de l’explosion survenue en 2005, rue Arthur-Rimbaud, à la suite d’une fuite de gaz, le procureur de la République a requis de lourdes sanctions, estimant que l’agent GDF, sur place, l’entreprise GDF et la SA Gorez avaient tous manqué délibérément à leurs obligations de sécurité. Quatre personnes avaient trouvé la mort.

CONTRE Alexandre Dedykere, agent de sécurité GDF intervenu sur la fuite de gaz qui a conduit à l’explosion de la rue Arthur-Rimbaud, le procureur de la République a requis, hier, quatre années de prison avec sursis. Et s’il échappe à la prison ferme, c’est parce que Damien Savarzeix a tenu compte des lourdes blessures dont il souffre lui-même et estimé que son « inexpérience » était imputable à son employeur.

Des baguettes de sourciers

À l’encontre de GDF, le représentant du Ministère public, regrettant que « les condamnations répétées à 200 000 euros ne l’aient pas conduit à plus d’éthique et de responsabilité », a monté la barre à 300 000 euros, le montant de l’amende étant ramené à 15 000 euros pour la SA Gorez, société de travaux publics à l’origine du dommage causé à la canalisation. Le procureur avait repris point par point les faits reprochés afin de déterminer la part de responsabilité de chacun des trois prévenus - une personne physique et deux personnes morales - dans le drame survenu le 14 juin 2005.
À la société Gorez qui effectue des travaux d’assainissement dans cette rue, il est reproché les conditions d’arrachage de la canalisation secondaire et l’opération de « matage » - écrasement du tuyau pour stopper la fuite de gaz - réalisée par l’ouvrier qu’il n’aurait pas dû faire. En clair, le responsable de la SA Gorez ou son chef de chantier par délégation sont accusés de ne pas avoir cherché à connaître l’état du réseau de gaz en se procurant les plans ou les informations nécessaires. L’image a pu prêter à sourire dans le prétoire, certains témoins ont parlé de baguettes de sourciers utilisés par les ouvriers pour sonder le sol. Une fois le dommage causé, le chef de chantier avait pour consignes de stopper les travaux, de ne toucher à rien et d’appeler GDF. Il y a là, selon le procureur, « un manquement délibéré » aux obligations de sécurité. À la décharge du salarié, l’avocate de la famille d’Henri Lebras, agent GDF décédé dans l’accident, plaidera « une délinquance de l’ignorance totale » à l’encontre du dirigeant de la SA Gorez, de nombreuses « carences » ayant été relevées.
Poursuivant son réquisitoire, le procureur détaille les conditions de l’intervention d’Alexandre Dedykere sur le chantier. « A-t-on exigé trop de cet opérateur de terrain ? », demande-t-il à haute voix, faisant écho à l’interrogation du président Sargos, formulée la veille. Il reproche à l’agent « d’avoir maintenu les gens sur les lieux et de les avoir exposés à un danger grave ». Mais il attribue « la paternité » de ces manquements « à un défaut d’organisation et d’information des agents qui travaillent pour l’enseigne ».

Coupable désigné

C’est pour le directeur de GDF qu’il aura les mots les plus durs : « Comment pouvez-vous valider à froid, presque six ans après les faits, ce choix de mettre la vie des ouvriers en danger ? Comment pouvez-vous dire que ce comportement n’est pas normal mais adapté aux circonstances ? »
Me Forget qui défend l’agent GDF viendra conforter cette position : « Alexandre Dedykere n’a rien fait d’autre que ce qu’on lui a enseigné. Avoir eu recours aux ouvriers de Gorez ne le choque pas, puisque cela ne choque pas son directeur. » Le conseil aura à cœur de « redonner à son client, coupable désigné, la place de victime qui est la sienne » et plaide la relaxe au motif que le « matage » opéré par l’ouvrier de chez Gorez « est la cause initiale de l’explosion ».
« Faute directe, première, exclusive » dira dans sa plaidoirie Me Delcourt, défendant les intérêts de GDF. À laquelle, poursuit-il, est venue s’ajouter une autre faute : celle de « manipuler le branchement qui a eu pour conséquence de masquer la situation réelle et de modifier la configuration des lieux ». L’avocat du barreau de Paris justifie, par ailleurs, que GDF ait validé le choix fait, par l’agent sur place, de tenter de colmater la fuite plutôt que de demander à « couper l’alimentation en gaz ». Il plaide la relaxe, mais sollicite du tribunal que si condamnation il devait y avoir, elle vienne sanctionner « une défaillance d’une organisation collective et pas celle d’un homme ».
Dernier à plaider aux intérêts de la SA Gorez, Me Kiener sollicite, lui aussi, la relaxe de son client.
Pour les familles, ces deux jours de procès n’auront que, pour partie, apaisé « leur soif de vérité et de justice ». Le jugement sera rendu le mardi 29 mars.

Graziella BASILE - l’Union Champagne-Ardenne-Picardie Publié le jeudi 20 janvier 2011


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes