Zoufftgen : prison ferme divisée par huit

Les peines ont été revues largement à la baisse, hier, dans le procès en appel de la catastrophe ferroviaire de Zoufftgen : l’annonceur de train condamné initialement à quarante-huit mois ferme écope de six mois de prison.

Surprise de taille, hier, à la cour d’appel de Luxembourg, qui rendait son arrêt dans le procès de la catastrophe ferroviaire de Zoufftgen : les peines infligées aux trois cheminots mis en cause pour leurs négligences ont été spectaculairement revues à la baisse. Dans des proportions qui ont même étonné leurs propres avocats. L’annonceur de train Patrick Manzoni, qui commandait ses lasagnes à l’heure de l’accident, condamné à quarante-huit mois de prison ferme en première instance, s’en sort très bien : trente mois de prison dont vingt-quatre assortis du sursis. Sa peine ferme de six mois a ainsi été divisée par huit ! Son avocat Nicky Stoffel, dit « comprendre que les victimes soient surprises par une telle réduction ».

Excuses efficaces

Elle rappelle cependant que l’avocat général avait requis le 29 novembre dernier « une baisse substantielle de la peine visant son client. Lors de ce deuxième procès, M. Manzoni a présenté ses excuses, ce qu’il n’avait pas fait devant ses premiers juges ». Elle insiste pour dire que sa culpabilité est atténuée « dès lors qu’on a mis en lumière les défaillances successives des systèmes de sécurité, inefficaces pour arrêter le train ». Georges Pierret, défenseur du chef de circulation du matin Paul Kiefer, condamné à une simple amende de 5 000 € (contre six mois avec sursis et 5 000 € d’amende), estime que la cour d’appel « a remis cette affaire sur pied. Les premières sanctions prononcées dépassaient le cadre normal ». Interrogé sur ce rabais significatif accordé aux trois cheminots, il considère que « le phénomène est connu des professionnels de justice, mais choquera sans doute l’opinion publique ». Le chef de circulation Claude Trierweiler, auteur de l’ordre écrit à l’origine de l’accident, écope de la même peine que Manzoni, contre quatre ans de prison dont deux ferme en première instance. Son avocat, M e Reuter s’est borné à ce seul commentaire : « Je suis satisfait, bien entendu ».

Des suites en France ?

Du côté des parties civiles présentes au palais de justice, la pilule a du mal à passer. Me Pascale Millim, avocate de la veuve du conducteur du TER luxembourgeois est sous le choc : « Ma cliente est satisfaite que M. Kiefer n’est pas acquitté. Trierweiler et Manzoni n’exécuteront sans doute jamais leurs six mois ferme et bénéficieront d’une grâce. Résultat : il m’est difficile d’admettre que leur vie va se poursuivre comme si rien ne s’était passé, à l’exclusion d’une ligne dans leur casier judiciaire ! Ça me révolte ».

Selon les observateurs, il est peu probable que l’affaire aille en cassation, envisageable dans un délai de trente jours. Par contre, un rebondissement du dossier en France n’est pas exclu : ce jugement satisfera-t-il les autorités françaises, qui avaient laissé au Luxembourg la possibilité de juger ses cheminots ? Des avocats du dossier estiment que la France pourrait décider de poursuivre les Chemins de fer luxembourgeois (CFL), très lourdement critiqués depuis la collision qui avait fait six morts le 11 octobre 2006 à Zoufftgen, comme personne morale. Ironie de l’histoire : ces poursuites, impossibles au Grand-Duché il y a cinq ans, sont désormais inscrites dans la loi, depuis fin 2010 !

Alain MORVAN - le Républicain Lorrain - publié le 20 janvier 2011.


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