Françoise Rudetzki, victime et porte-parole des victimes

Grièvement blessée dans un attentat jamais élucidé, Françoise Rudetzki mesure, près de 30 ans plus tard, le chemin parcouru en France pour la reconnaissance des droits des victimes, un combat qu’elle a mené avec une détermination sans faille.

Ce 23 décembre 1983, la pendule du Grand Véfour, un grand restaurant du Palais Royal à Paris où Françoise Rudetzki fête ses dix ans de mariage avec son mari, s’est arrêtée à 22H37. La bombe, déposée sous les arcades, projette une porte métallique qui écrase les jambes de cette jeune femme d’affaires, belle et sportive.

Dix blessés sont relevés, dont Françoise Rudetzki, la plus touchée. Soixante-dix-huit opérations - reconstructions osseuses, greffes d’os, de peau et de nerfs - plus tard, elle ne se déplace qu’avec deux cannes anglaises qu’elle ne lâche plus, sitôt descendue de sa voiture.

Une volée de trois marches à franchir reste une épreuve. Une fois assise, cette femme élégante au visage lisse avec des cheveux noirs bouclés raconte à l’AFP d’une voix douce sa révolte et son combat.

Elle évoque le policier venu la voir sur son lit d’hôpital pour lui demander "si elle faisait de la politique", l’instruction judiciaire bouclée par un non-lieu moins de trois ans plus tard, "sans avoir été reçue par le juge", un hebdomadaire qui écrit que "la bombe a fait plus de bruit que de mal" et "que l’on n’a pas lésiné sur les moyens" pour reconstruire à l’identique ce haut lieu de la gastronomie, ou encore le groupe Taittinger, propriétaire du restaurant, qui "ne s’est jamais manifesté par un petit mot gentil ou ... une bouteille de champagne".

"A cette époque, on ne parlait jamais des victimes", dit Françoise Rudetzki, 62 ans. "Le mot +victime+ était un peu comme un mot qu’il ne fallait pas prononcer et seuls les médecins s’occupaient des victimes", assure-t-elle.

Tout à son combat pour survivre, mais "révoltée", elle se lance pourtant - entre ses opérations et sa contamination aux virus du sida et de l’hépatite C lors de transfusions - dans le combat pour faire reconnaître les droits des victimes du terrorisme.

Françoise Rudetzki crée SOS Attentats, première association de défense des victimes du terrorisme en décembre 1985, une date qui marque le début de la vague d’attentats meurtriers, liés au conflit du Proche-Orient à Paris. Elle va tirer toutes les sonnettes à droite comme à gauche, au gouvernement comme au Parlement, tout en s’exprimant dans les médias.

Elle obtient dès 1986 la création du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme, financé par un prélèvement de deux ou trois francs (3,30 euros en 2010) sur chaque contrat d’assurance de biens (75 millions de contrats aujourd’hui), une garantie étendue en 1990 à l’ensemble des victimes d’infractions pénales (viols, agressions, braquages).

Inlassable, elle réussit également à faire reconnaître aux victimes du terrorisme le statut de victimes civiles de guerre et la possibilité pour les associations de se porter parties civiles lors des procès.

Vingt-deux ans après sa création, SOS Attentats, qui est venue en aide à près de 2.000 victimes, s’autodissout en septembre 2008. A part les actes perpétrés au Pays Basque ou en Corse, la France n’a pas connu d’attentat terroriste depuis le 3 décembre 1996 (quatre morts à la station du RER de Port-Royal, à Paris).

"C’est aux pouvoirs publics d’organiser une nouvelle structure parapublique", avait alors plaidé Françoise Rudetzki.

Le Point.fr - AFP - Publié le 20 février 2011.


Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes