Le procès en appel de Ghislenghien s’arrête déjà

Le procès de l’explosion survenue à Ghislenghien le 30 juillet 2004, qui s’était ouvert lundi devant la cour d’appel de Mons, a été suspendu mardi matin, après une seule journée d’audience. L’avocat de la société Husqvarna, une des 14 personnes physiques ou morales poursuivies, a déposé une requête en récusation du président de la cour, Jean-Francis Jonckheere.

Le procès devait entrer dans le vif du sujet mardi avec l’interrogatoire des prévenus par la cour. Lundi, la journée avait commencé par l’appel des parties. Le président avait ensuite expliqué qu’il lirait un rapport détaillant les faits reprochés aux prévenus et leur rôle dans la catastrophe.

Ce rapport se basait en grande partie sur l’ordonnance de renvoi en correctionnelle rendue par la chambre du conseil de Tournai. "Pendant qu’il lisait son rapport, j’avais cette ordonnance sous les yeux et le président en citait des pans entiers", a confirmé Dominique Fontaine, l’avocate de la Région wallonne.

Mais l’avocat de la société Husqvarna ne l’a pas entendu de la même oreille. François Koning a protesté une première fois en fin de matinée, au moment où Jean-Francis Jonckheere décrivait les questions que le dossier soulève quant au rôle et à l’attitude d’Husqvarna dans la catastrophe qui a coûté la vie à 24 personnes et en a blessé 249 autres. L’avocat s’est plaint que le président ne rappelait pas les motifs de l’acquittement de sa cliente. Le président a clos l’incident immédiatement.

A la reprise des débats en début d’après-midi, Me Koning est revenu à la charge, mais le président Jonckheere a poursuivi sa lecture pendant plus de deux heures. Il a ensuite laissé le loisir aux avocats de réagir à son rapport.

Me Koning lui a alors demandé une copie du rapport, ce que le président a refusé car il s’agissait selon lui d’un rapport oral. "J’ai donné une copie écrite aux interprètes pour leur commodité, mais je compte la reprendre à la fin de l’audience", a-t-il souligné.

L’avocat d’Husqvarna a conclu son intervention en dénonçant une dernière fois le rapport. "Je n’y vois pas les motifs d’acquittement pour Husqvarna, mais bien ceux pour Fluxys et Vijverman, je demande donc d’acter la différence de traitement entre les prévenus", a-t-il déclaré. "C’est une prise de position, un parti pris de la cour. Il n’est plus nécessaire que je plaide puisque la décision est déjà rendue."

"Des doutes sur l’impartialité du juge"

François Koning a déposé mardi à 08h30 sa requête en récusation contre le président Jonckheere au greffe de la cour d’appel de Mons, a confirmé mardi en fin de matinée Jean-Louis Franeau, premier président de la cour d’appel de Mons. "La SA Husqvarna Belgium reproche au président d’avoir fait un rapport d’audience, rapport qu’elle estime manquer d’impartialité", souligne le magistrat dans un communiqué.

Cette requête a eu pour effet la suspension immédiate et sine die de l’audience, signifiée un peu après 09h00 par Jean-Francis Jonckheere. Peu de parties civiles étaient présentes, mais les victimes et familles de victimes qui avaient fait le déplacement ne pouvaient cacher leurs larmes et leur colère. Leurs avocats étaient plus partagés. "Cette demande de récusation, c’est le signe que nous sommes en démocratie", soulignait ainsi Me Fontaine. "Si un avocat a des doutes sur l’impartialité du juge, il doit pouvoir le signaler."

"Je suis très mal, abasourdi", réagissait pour sa part Me Tieleman. "Je ne sais pas comment je vais aller l’expliquer à mes clients, je suis trop ému pour aller les voir maintenant." L’avocat de Fluxys, le transporteur de gaz naturel dont la conduite a explosé le 30 juillet
2004, ne souhaitait pas réagir, mais saluait tout de même le travail du président de la cour.

Celui-ci a 48 heures pour examiner la requête en récusation et pour dire s’il l’accepte, ou pas. S’il refuse de s’abstenir, la demande de récusation et la déclaration du juge seront transmises à la Cour de cassation, qui a huit jours pour statuer.

Si la demande est rejetée, le procès reprendra avec le président Jonckheere, mais son calendrier devra être revu. Si la Cour accepte la récusation, il faudra désigner un autre président -et vraisemblablement un autre collège si les deux assesseurs du président Jonckheere s’abstiennent en solidarité avec lui-, ce qui prendra plusieurs mois.

Le procès ne devrait en tout cas pas reprendre avant la semaine prochaine, selon le président Franeau.

Levif.be avec Belga - Publié le 30 novembre 2010


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