AF447 : les avis d’Air France, de ses pilotes et d’Airbus

Le scénario factuel publié par les enquêteurs du BEA promet une belle bataille d’experts. Celle-ci a d’ailleurs débuté dès vendredi et l’analyse des événements faite par Air France, par ses pilotes et par Airbus est nettement différente.

Air France insiste sur le rôle des sondes

Air France a tiré en premier dès vendredi après-midi en soulignant le « professionnalisme » de son équipage et rappelant que « le commandant de bord a rapidement interrompu son repos pour rejoindre le poste de pilotage ». Ce dernier a en effet rejoint le cockpit en 1 minute 30. La compagnie aérienne a rappelé que « la panne des sondes de vitesse est l’événement initial qui entraîne la déconnexion du pilote automatique et la perte des protections de pilotage associé ». Il est certain que sans le givrage des sondes Pitot, l’appareil aurait poursuivi sa phase de croisière sans déconnexion du pilote automatique et l’accident n’aurait pas eu lieu. La défense d’Air France va dorénavant insister sur le rôle prépondérant des sondes commercialisées par Thalès et installées par Airbus sur son A 330. La compagnie devrait donc s’attacher à prouver qu’elle a fait le nécessaire lorsqu’un défaut de ces sondes a été identifié et qu’elle est la victime d’une faillite du retour d’expérience entre Airbus et les autorités de certification du matériel.

Les pilotes dénoncent une politique d’économies

Cette interprétation du scénario n’est que partiellement partagée par les pilotes de la compagnie interrogés par Le Figaro. « On semble s’orienter vers une erreur de pilotage, explique ainsi un pilote d’Air France, mais il est clair que tout ce qui se passe est d’abord lié à un givrage des sondes Pitot. »

Des pilotes se désolidarisent en revanche de leur direction en mettant en avant le fait que leurs collègues n’avaient pas les moyens de récupérer l’appareil. « Ils se sont battus jusqu’au bout mais n’avaient pas les moyens de sauver l’avion, explique l’un d’entre eux. Ils n’ont pas eu conscience de la perte de vitesse et de l’incidence de l’appareil ». Pour ces pilotes, l’achat d’un système baptisé BUSS (Back Up Speed Scale) par leur compagnie aurait permis de récupérer l’avion. Ce système commercialisé par Airbus a été acheté par la plupart des compagnies de la planète mais pas par Air France. « On a voulu faire des économies au détriment de la performance des équipages », explique un pilote de la compagnie française.

Airbus souligne la mauvaise gestion du décrochage

De son côté, Airbus s’est félicité vendredi dans un communiqué des révélations du BEA qui « constituent un pas important en vue de l’identification de la totalité de la chaîne d’événements qui a conduit à l’accident tragique du vol Air France 447 ». Mais des experts proches d’Airbus indiquent que le point crucial du rapport est le paragraphe affirmant que le pilote « maintient son ordre à cabrer » alors que résonne l’alarme de décrochage dans le cockpit et qu’il « restera dans cette position jusqu’à la fin du vol ». Ce serait cette manœuvre de l’équipage qui aurait fait décrocher l’avion et aurait empêché de le récupérer durant sa chute. L’appareil serait ainsi tombé dans l’océan sans être récupéré par un pilote qui a gardé son « ordre à cabrer » - son manche tiré - jusqu’à l’impact. Les experts sont formels : pour éviter le drame, le pilote aurait dû pousser le manche - et non le tirer - pour réduire l’incidence et retrouver de la portance.

Chez le constructeur, on rappelle d’ailleurs la procédure officielle d’Air France au moment des faits pour récupérer un décrochage. Les pilotes avaient à leur disposition dans le cockpit un document ( Flight Crew Operating Manual ) qui leur rappelait qu’il fallait mettre les gaz à fond, « Thrust Levers : TOGA » mais qu’il fallait également réduire l’incidence de l’appareil : « Pitch Attitude : Reduce ». « Il n’y a pas un avion au monde où l’on récupère un décrochage en tirant sur le manche », explique un expert. Autre fait explicite selon les experts interrogés par Le Figaro : l’une des dernières phrases du rapport indique que « les moteurs ont fonctionné et toujours répondu aux commandes de l’équipage ».

Fabrice Amedeo - Le Figaro - publié le 27 mai 2011


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