Valmeinier - Avalanche : La justice veut savoir si le guide a pris trop de risques

Six jours après l’avalanche de Valmeinier, l’enquête confiée conjointement au PGHM de Modane (pour la partie technique) et à la Section de recherches de gendarmerie de Chambéry, est terminée. « Nous avons pratiquement entendu tout le monde », confiait hier le Procureur de la République d’Albertville, Henry-Michel Perret. Compte-tenu des premiers résultats, le Procureur a décidé d’ouvrir, dans les prochains jours, une information judiciaire (pour "homicides involontaires", "blessures involontaires" et "mise en danger d’autrui"), auprès du pôle de l’instruction de Chambéry. Deux juges d’instruction en co-saisine se pencheront sur le dossier « pour avoir des éléments plus consistants de façon à faire une analyse poussée, pour savoir si on aurait dû s’entourer de plus de considérations ».

Dans la recherche de responsabilités, tout converge vers l’attitude du guide, Francis Dumas, 54 ans. « L’établissement scolaire semble être hors de cause. Il n’a fait que son métier : organiser l’enseignement en les envoyant à la montagne pour les préparer à encadrer leurs futurs clients ». De même, Henry-Michel Perret dédouane le coordonateur des activités « qui n’avait pas de décision à prendre en matière de sortie. C’est le guide qui devait valider ». Ce qui s’est fait la veille de ce fatidique mercredi 11 mars, après avoir consulté la météo et le bulletin des risques avalancheux, estimés à 3 sur 5 sur ce secteur du col des Marches. « Des faces est étaient avalancheuses, mais là c’était plutôt face ouest ».

Pourquoi avoir quitté l’itinéraire classique ?
Si le début de la journée a débuté sans encombre pour la caravane de huit, partie après 7 heures du matin pour un intinéraire « classique, relativement facile, en principe », elle n’a pas eu les conditions météos escomptées avec l’arrivée du brouillard. Ensuite, les enquêteurs s’interrogent sur les raisons qui ont poussé la caravane à ne pas suivre l’itinéraire classique. « Était-ce pour des exercices d’orientation ? », interroge le Procureur. « Mais ils se sont retrouvés dans une pente accentuée avec une visibilité réduite. Le guide a pris conscience que le manteau neigeux avait changé de nature : il a instauré des distances de sécurité d’une vingtaine de mètres entre les différents skieurs. Ces distances n’ont pas été respectées, comme le confirme le témoignage d’un rescapé ». Surtout que les jeunes n’avaient pas tous la même expérience de la randonnée.
Des questions se posent aux enquêteurs. Une fois ses constatations faites, le guide n’aurait-il pas dû renoncer à la course ? S’il y a faute, qu’elle est la nature de celle-ci ? Car dans une enquête pénale, il faut une faute caractérisée ou délibérée. « On peut trouver qu’il y a négligence ou pas. Mais il est difficile de définir cette prise de risque, car on est dans le cadre de l’enseignement. Ces élèves doivent être confrontés à des conditions difficiles, mais leur apprentissage doit être progressif et mesuré. A-t-on voulu aller trop vite, trop loin ? La pédagogie peut expliquer certaines prises de risques, mais pas n’importe lesquelles ». La prise de risque avérée, la justice veut maintenant la qualifier (excessive ou inconsidérée ?) pour définir si elle est fautive. Si tel était le cas, cette dramatique avalanche entrerait alors sur un autre terrain : celui de l’action judiciaire devant le tribunal de grande instance d’Albertville.

REPÈRES
LES FAITS
Mercredi dernier, une caravane de 7 élèves du lycée agricole de La Motte Servolex et son guide est prise par une avalanche, sous le col des Marches, au-dessus de la station de Valmeinier. Trois élèves et le guide sont tués. Parmi les quatre rescapés, un revient de loin, après une hypothermie sévère (corps à 22°). « Il est tiré d’affaire et ne devrait pas avoir de séquelles », soulignait hier le Procureur (lire ci-dessous).
PHÉNOMÈNE INCONNU ?
L’expert nivologue désigné pour l’enquête estime que la surcharge est « négligeable par rapport à une avalanche de taille exceptionnelle (900 mètres sur 300), imprévisible à cet endroit là. D’après lui, le phénomène est encore mal connu ». Lors de l’information, une contre-expertise peut être ordonnée.

Le Dauphiné libéré - J.F. CASANOVA

18 mars 2009

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