Les députés s’attaquent aux jurés populaires et à la justice des mineurs

Les députés ont entamé mardi, en séance de nuit, l’examen du projet de loi sur l’entrée de jurés populaires en correctionnelle et la refonte de la justice des mineurs, un texte fourre-tout, qualifié de "populiste" par l’opposition.

Répondant au voeu du président Nicolas Sarkozy de "rapprocher" les Français de leur justice, le texte, présenté en urgence (une lecture par assemblée), a déjà été adopté par le Sénat en mai. Il devrait être définitivement voté d’ici au 14 juillet.

Le ministre de la Justice Michel Mercier a plaidé en faveur d’un texte qui "permet d’aller plus loin dans le sens d’une justice plus proche".

A propos de la disposition adoptée la semaine dernière en commission, sous la pression de la droite populaire, de donner un droit d’appel aux victimes en cas de verdicts d’acquittement, Michel Mercier, très hostile à la mesure, a estimé qu’il s’agissait d’"un faux espoir envoyé à la victime".
"Il faut en rester aux décisions du gouvernement et du rapporteur", a-t-il ajouté alors que quelques heures avant l’ouverture des débats, la commission des Lois a adopté un amendement du gouvernement supprimant ce droit d’appel des verdicts d’acquittement accordé aux victimes.

L’enjeu du premier volet du projet de loi, faisant entrer des jurés populaires en correctionnelle (jugement des délits), est de "combler le fossé qui s’est creusé entre les citoyens et la justice", a de son côté fait valoir le rapporteur UMP Sébastien Huyghe.

Le texte propose donc la formation de tribunaux correctionnels ouverts à des "citoyens assesseurs", qui pourront participer au jugement des délits punis d’une peine égale ou supérieure à cinq ans d’emprisonnement.
Si Alain Vidalies, porte-parole des députés PS, a reconnu que "l’idée d’associer les citoyens à la justice n’est pas en soi une idée populiste", il a dénoncé "la démarche" retenue.

"Une fois de plus, le président de la République a réagi à un fait divers dramatique (ndlr, l’affaire Laetitia), en disant que les juges ne sont pas assez sévères et qu’il faut donc introduire des jurés qui seront plus répressifs".

Roland Muzeau, porte-parole des députés communistes, va plus loin et dénonce "le populisme" du texte. "Pas à pas, a-t-il dit, on conduit l’opinion publique à considérer que la vengeance est une alternative à la justice. Derrière ce projet, il y a la remise en cause de la professionnalisation de la justice. C’est un vrai danger".

Mais c’est le second volet du texte, la refonte de l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs, qui cristallise désormais les critiques, à gauche comme chez les professionnels de l’enfance.

"Le gouvernement veut créer une justice des mineurs qui ressemble à la justice des majeurs", dénonce M. Vidalies, critiquant en particulier la création d’un tribunal correctionnel pour les récidivistes de plus de 16 ans, pour des délits passibles de plus de trois ans de prison.

"C’est une rupture par rapport à toute notre histoire pénale", a-t-il dit en s’interrogeant sur "la compatibilité" du texte avec "les engagements internationaux de la France".

A l’inverse, à droite, certains, comme Christian Estrosi, trouvent que le texte "ne va pas assez loin" et qu’"il ne suffira pas à lutter efficacement contre l’augmentation de la délinquance des mineurs, qui a triplé en 30 ans".

M. Estrosi a prévenu qu’il présenterait, en séance, un amendement pour s’opposer à la décision du Sénat qu’un juge pour enfants préside ce tribunal correctionnel pour enfants.

Le député-maire de Nice considère aussi qu’il faut étendre la compétence de ce tribunal aux cas de réitération (deux délits différents commis consécutivement), le projet de loi la limitant pour l’heure aux cas de récidive.

Son voisin et ami des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, parle en revanche d’un texte "équilibré". "Si on le modifie, a-t-il prévenu, on risque de passer dans un autre système qui va ressembler au système américain".

Anne Marie LADOUES - AFP 22 juin 2011

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