Zone noire, ils voient rouge

Au tribunal administratif, le rapporteur public a conclu au rejet des 19 requêtes demandant l’annulation du zonage établi par la préfecture.

Ils sont venus, ils sont tous là. Il y a Marie-Olivia Rocca, la très médiatique présidente de l’association des sinistrés d’Aytré, son homologue de Fouras, Alain Grinda, porte-parole des révoltés de la pointe de la Fumée. Michel Le Bozec a fait le déplacement lui aussi mais comme observateur : le cas des Boucholeurs, son fief, le plus polémique avec son zonage inachevé, sera débattu le 30 juin lors d’une autre audience.

Les communes de Saint-Pierre-d’Oléron, Saint-Georges-d’Oléron, Saint-Trojan-les-Bains, La Tremblade, Aytré et Nieul-sur-Mer sont représentées par leurs avocats. De même que les rares propriétaires de Loix-en-Ré, La Flotte ou Boyardville qui ont déposé une requête en leur nom propre.

Au total, ils sont 19 à réclamer la même chose au tribunal administratif de Poitiers : l’annulation de la cartographie des zones noires et jaunes établie par le préfet de la Charente-Maritime sur 18 communes du littoral charentais au lendemain de la tempête Xynthia du 28 février 2010.

« Aucun effet juridique »
Le débat se résume à une seule question. Cette cartographie, dessinée par les services de l’État, est-elle un acte administratif susceptible d’être contesté devant la juridiction spécialisée ? Pour le rapporteur public, Didier Salvi, la réponse est non. Il a conclu à l’irrecevabilité des demandes au motif que le zonage n’a pas de caractère décisionnaire, qu’il n’a aucune portée juridique et qu’il s’agit juste d’un document préparatoire à d’autres mesures administratives à venir qui, elles, pourront être attaquées.

« Les zones noires pouvaient faire grief aux propriétaires concernés dans le sens où elles les obligeaient à partir, a expliqué M. Salvi. Mais leur transformation en "zones de solidarité nationale" a changé la donne. La cartographie ne sert plus alors qu’à identifier les secteurs dans lesquels l’État s’engage à proposer aux propriétaires de racheter leur bien au prix du marché. Elle ne produit aucun effet juridique direct. Elle n’entraîne par elle-même aucune modification des règlements d’urbanisme. Les contestations seront recevables dans le cadre des procédures d’expropriation à venir, ou lors de l’élaboration des plans de prévention des risques. »

« Déni de justice »
Tollé sur le banc des avocats. « Tout ça pour ça ! », s’est exclamé l’un d’eux. « Quelle hypocrisie d’État ! », a renchéri son voisin. « Et le droit de propriété ? », a lancé un troisième.

Qu’on les baptise noires, jaunes ou de solidarité, disent-ils, les zones définies par la préfecture font grief aux propriétaires comme aux communes à qui elles s’imposent. Elles interdisent de fait aux premiers de disposer de leurs biens comme ils l’entendent, et aux secondes de délivrer des permis de construire dans les secteurs en zone noire. Il s’agit bien d’un « acte administratif décisoire » puisqu’il génère des conséquences directes. « On dit aux gens soit vous vendez, soit on vous exproprie, et ce serait juste une "mesure préparatoire" ? C’est un déni de justice ! »

Le tribunal administratif, qui suit généralement les conclusions du rapporteur public, a mis sa décision en délibéré au 7 juillet. Les magistrats poitevins se pencheront sur le jugement rendu par leurs homologues nantais le 11 janvier dernier : ils ont retenu le caractère « préparatoire » du zonage établi par le préfet de Vendée pour débouter l’Avif (Association des victimes des inondations de La Faute-sur-Mer) qui en demandait l’annulation.

Pour Alain Grinda, le combat ne fait que commencer. « Les zones noires sont intégrées dans le plan de prévention des risques littoraux de Fouras qui doit être présenté le 29 juin. Un PPRL provisoire avec application anticipée, sans même attendre la procédure d’enquête publique. »

Quant à Marie-Olivia Rocca, elle envisage « des actions en responsabilité contre l’administration afin qu’elle soit condamnée à réparer les conséquences de ses négligences avant et après la tempête. » Elle pense notamment aux propriétaires de parcelles constructibles situées en zone noire « qui ne valent plus que 4 euros le mètre carré ».

L’annulation de la cartographie des zones noires et jaunes serait lourde de conséquences. Le représentant de la préfecture indiquait hier que, sur les 679 biens concernés en Charente-Maritime, 510 avaient fait l’objet d’une proposition d’achat de la part de l’État et que 443 propriétaires l’avaient acceptée.

SudOuest.fr - Publié le 17 juin 2011


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