Attentat au Caire : Les différentes hypothèses évoquées

ANALYSE - L’attaque meurtrière n’a toujours pas été revendiquée. 20minutes.fr fait le point sur les pistes possibles avec deux experts du terrorisme…
L’attentat, qui a fait dimanche soir une victime française et vingt-cinq blessés, n’était pas revendiqué en milieu de journée lundi. Deux hypothèses sont avancées sur les raisons de l’attaque. Mais l’enquête s’annonce longue et les chances de pouvoir démasquer les véritables responsables sont minces.

Le mode opératoire : Selon les services de sécurité cités par l’agence officielle Mena, une grenade, qui a explosé vers 17h50 (heure de Paris) avait été placée dans un sac en plastique sous un banc en pierre de la place de la mosquée al-Hussein, près de Khan al-Khalili. L’engin explosif serait de fabrication artisanale. Pour Dominique Thomas, chercheur à l’EHESS, spécialiste des mouvances islamistes, il est difficile d’identifier les auteurs d’une attaque en fonction de la méthode utilisée. « Souvent, le matériel, mais aussi la méthode employée dépendent des considérations logistiques et de l’espace dans lequel l’attentat a lieu. » Difficile donc d’en déduire qui se cache derrière l’attaque du Caire. « Les groupes qui utilisent toujours les mêmes méthodes sont plutôt des groupes d’insurgés, comme en Irak. En Egypte, ce n’est pas le cas. »

L’hypothèse liée au conflit israélo-palestinien : Lors de la récente offensive menée à Gaza par l’armée israélienne, l’Egypte a joué un rôle important dans les négociations pour trouver une issue au conflit, « mais a été taxée de passivité par certains Egyptiens », explique Louis Caprioli, ancien patron français de la lutte contre le terrorisme islamiste à la DST. Bien qu’aucune piste ne soit privilégiée pour le moment dans l’attaque perpétrée dimanche, il semblerait que le contexte international fasse pencher la balance vers cette hypothèse. « Il ne s’agit sûrement pas d’un groupe appartenant à une organisation d’ampleur comme Al-Qaida, mais d’un petit groupe qui veut protester contre l’attitude de Moubarak pendant l’offensive », ajoute l’expert, interrogé par 20minutes.fr.

L’hypothèse de la manipulation : Le régime policier du président Moubarak s’est radicalisé depuis quelques années. Ainsi, l’hypothèse d’une manipulation du gouvernement égyptien pour justifier des arrestations, des coups de filet à répétition et donc du renforcement de la répression, est évoquée. « On peut imaginer que cet attentat ait été monté par une cellule des services secrets égyptiens. Il visait clairement des touristes, c’est donc une manière de ne pas frapper directement la population égyptienne, mais de provoquer un ressentiment fort qui justifierait ensuite une répression importante », explique à 20minutes.fr Dominique Thomas, tout en soulignant que la première hypothèse paraît tout de même plus plausible. Pour Louis Caprioli, cette piste n’est pas envisageable. « Le tourisme est la première ressource économique du pays, l’impact serait beaucoup trop fort » et risquerait de coûter cher au pays.

La piste des frères musulmans : D’autres pistes pourraient mener vers l’opposition égyptienne qui compte, entre autres, les Frères musulmans. Mais selon Louis Caprioli, le mouvement, dont trois anciens membres ont fondé le Hamas, « ne peut pas être à l’origine de cette attaque car il n’est pas dans la mouvance terroriste ». Les frères Musulmans disposent officieusement, aujourd’hui, de 88 députés sur 454 à l’Assemblée du peuple et sont par conséquent le premier groupe d’opposition.

L’enquête : La police égyptienne a déclaré avoir arrêté trois suspects. Les trois hommes, dont l’identité n’a pas été révélée, ont été interpellés près du lieu de l’attentat, juste après l’explosion de l’engin artisanal. « D’autres sont interrogés en tant que témoins », a indiqué à l’AFP une source proche de l’enquête. Mais l’enquête mettra du temps à déterminer qui se cache derrière l’attaque. « La police va annoncer des arrestations, mais cela ne veut pas dire qu’elle trouvera les auteurs. Comme lors de précédents attentats (dans le Sinaï), ndlr), l’enquête restera opaque », souligne Dominique Thomas.

Les précédents : Cet attentat au Caire est la première attaque contre des touristes en Egypte depuis le triple attentat qui avait frappé la station balnéaire de Dahab, dans la péninsule du Sinaï, en avril 2006, dans lequel 20 personnes, dont six ressortissants étrangers, avaient été tuées, en plus des trois kamikazes. Deux autres grandes cités balnéaires du Sinaï, en bordure de la mer Rouge, avaient également été visées en 2004, à Taba et en 2005 à Charm-el-Cheikh. Les autorités les avaient attribués à des bédouins islamistes membres du groupe Al-Tawid wal Jihad, estimant qu’ils avaient eu des liens avec des islamistes palestiniens de la bande de Gaza. Trois avaient été condamnés à mort et exécutés.

Maud Descamps avec agence - 20minutes.fr - Publié le 23 février 2009


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