Attentat de Marrakech : Aqmi récuse toute responsabilité

La branche maghrébine d’Al-Qaïda a sans doute inspiré le ou les auteurs de l’attaque place Jamâa El-Fna, mais elle nie toute implication.

Il aura fallu plus d’une semaine avant qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique réagisse après l’attentat de Marrakech qui a fait 17 morts dont 8 Français, et pour cause : l’organisation n’avait rien à revendiquer. Si dans le principe, Aqmi ne condamne pas l’attaque meurtrière, loin de là, en l’occurrence la "filiale" nord-africaine d’Al-Qaïda réfute toute implication.

Al-Qaïda n’y serait pour rien

"Nous démentons toute relation avec cette explosion et affirmons n’être aucunement impliqués dans cette opération" assure Aqmi dans un communiqué daté du vendredi 6 mai, rédigé en arabe et adressé à l’agence de presse mauritanienne Nouakchott Informations (ANI). Le document en question n’a pas été absolument authentifié, mais jusqu’à présent, cette agence online qui a déjà relayé des communiqués ou des déclarations attribués à des membres d’Aqmi n’a jamais fait l’objet de démenti.

Evoquant l’attentat de Marrakech et les trois suspects appréhendés vendredi, la branche sahélienne de l’organisation déclare : "nous affirmons que, en dépit du fait que parmi nos priorités (...) figurent des frappes contre les juifs et les croisés, ainsi que contre leurs intérêts, nous nous employons cependant à choisir le moment et le lieu qui ne seraient pas en contradiction avec les intérêts de la Nation et son action vers l’objectif de sa libération". Par Nation, il faut entendre l’islam en général...

Compte tenu du mode opératoire, une bombe artisanale actionnée à distance, dès le 29 avril au lendemain de l’attentat, le ministre marocain de l’Intérieur Taieb Cherkoui avait évoqué "le style utilisé d’habitude par Al-Qaïda", et lundi dernier encore, Aqmi restait la principale piste selon les autorités.

Pas commanditaire mais une source d’inspiration

Hier, commentant l’arrestation de trois suspects, sans directement faire la connexion avec la nébuleuse terroriste, M Cherkoui les a décrits comme "des admirateurs d’Al-Qaïda". Selon lui, celui qui est soupçonné d’avoir posé la bombe est "fortement imprégné de l’idéologie jihadiste" et "exprime ouvertement son allégeance pour Al-Qaïda". A plusieurs reprises, il aurait du reste tenté de "rejoindre les points chauds du terrorisme", mais en vain.

Ainsi, si comme elle l’affirme, Aqmi n’est peut-être pas directement impliquée, elle aurait au moins servi d’inspiration et de modèle. "On semble être face à une personne qui n’a pas de lien organisationnel" avec Al-Qaïda estime le politologue marocain Mohamed Darif, mais qui "cherche à mener le jihad à sa manière".

Selon ce spécialiste de l’islamisme, dans le cas présent, si la "fascination (du suspect) pour Al-Qaïda ne signifie rien sur le plan organisationnel", on peut considérer que de facto, sur un terrain doctrinaire, elle lui a servi d’inspiration.

La France menacée ?

Très active dans tout le Sahel, notamment en Mauritanie, l’organisation terroriste vit de toutes sortes de trafics, commet régulièrement des attentats et procède à des enlèvements, le plus souvent de ressortissants occidentaux tels que les quatre Français enlevés en septembre dernier au nord du Niger et qui sont toujours détenus, sans doute au Mali où Aqmi dispose de plusieurs bases.

Dans un entretien au Monde, le patron du renseignement français, Bernard Squarcini, a estimé hier que la filiale sahélienne d’Al-Qaïda se composait désormais d’environ 400 personnes, contre 150 il y a deux ans. En outre il a affirmé qu’après les Etats-Unis, la France constitue actuellement la "cible numéro 2" de ces jihadistes (lire "la France cible privilégiée d’Al-Qaïda").

Les Marocains manifestent contre le terrorisme

Quoi qu’il en soit, pour en revenir au Maroc, il est à noter que la mobilisation de la population ne faiblit pas et transcende les clivages. Samedi, en présence du ministre marocain du Tourisme Yassir Zénagui et de la consule générale de France Chantale Chauvin, quelques centaines de personnes se sont rassemblées sur les lieux de l’attentat, place Jamâa El-Fna, près du café Argana où la bombe a explosé pour dire "non au terrorisme".

Du côté de l’opposition, ce dimanche, d’autres manifesteront au même endroit, à l’appel du Mouvement du 20 février qui réclame des réformes politiques dans le pays et en l’occurrence, entend "dénoncer le terrorisme et insister sur la démocratie".

Présumés terroristes et... marchands de chaussures
Adil El-Atmani, le principal suspect âgé de 25 ans est originaire de Safi, une ville portuaire sur la côte Atlantique. Décrit par des habitants de la ville comme "querelleur" et "très pieux", il n’avait pas pour autant l’allure d’un intégriste islamiste.

Hakim Dah, 41 ans, et Abdessamed Bitar, 28 ans, ses complices supposés, désignés par un responsable de la sécurité sont originaires du même endroit. Comme leur compère, il s’agirait de personnes apparemment dévotes mais "réservées". Les trois suspects ont aussi en commun d’avoir été expulsés de Lybie en 2007 pour "séjour illégal", d’habiter des quartiers populaires de Safi et de vivre de la vente de chaussures d’occasion...

Toujours selon les indications d’un responsable policier marocain, les enquêteurs sont remontés jusqu’à eux, grâce à un téléphone portable retrouvé sur les lieux de l’attentat.

Metrofrance.com publié le 7 mai 2011


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