Terrorisme : "Il ne suffit pas de verser des larmes de crocodile"

Fondatrice de SOS Attentats et membre du conseil d’administration du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme, Françoise Rudetzki, revient sur les propos du patron de l’antiterrorisme français, Bernard Squarcini, au JDD. Elle se dit "forte inquiète" de la prise en charge des futures victimes et demande à l’Etat de mieux écouter les experts de ce dossier.

Bernard Squarcini estime, dans un entretien au JDD, que la menace terroriste "n’a jamais été aussi grande" en France. Quelle est votre réaction ?
S’il exprime son inquiétude et nous dit que la menace est aussi forte que celle de 1995, à mon tour d’être forte inquiète au plan de la préparation de la prise en charge des victimes. J’ai consacré 25 ans de ma vie, et je continue à le faire, à m’occuper des victimes du terrorisme et je peux vous dire - que ce soit par rapport aux attentats de 1986, de 1995 et de 1996 - qu’on pourrait être mieux préparé à les soutenir. Il ne suffit pas d’exprimer de la compassion et de verser des larmes de crocodiles sous le coup des évènements et de l’émotion, mais il faudrait réfléchir très sérieusement en termes de prise en charge pluridisciplinaires des victimes. Tant dans le domaine physique, psychologique, mais aussi en termes de reconstruction familiale, sociale et professionnelle. Trop de victimes du passé souffrent encore aujourd’hui des conséquences du terrorisme dans le plus parfait oubli. Face à cette menace, je crois qu’il nous faut mieux nous préparer à cette solidarité car les victimes ne sont pas visées à titre individuel mais c’est toute la société qui est visée.

L’aide actuelle aux victimes n’est pas suffisante ?
Non, parce qu’on ne doit pas régler qu’en termes financiers les indemnisations. C’est une prise en charge qui doit être plus globale à l’encontre des victimes qui doivent retrouver, après les soins qui leur sont dispensés, toute leur place dans la société. Et ne pas se sentir abandonnés comme elles le sont actuellement, alors qu’elles gardent au plan physique et psychologique de grandes séquelles, 20 ou 25 ans après.

“« L’Etat n’est pas suffisamment à l’écoute »”

Concrètement, que faudrait-il mettre en place ?
Je crois qu’il faut que les partenaires, que ce soit les services médicaux, psychologiques, sociaux, prennent un peu le pouls de ce qui s’est passé dans les années précédentes et écoutent les personnes qui ont été amenées à prendre en charge les victimes. En tant qu’ancienne responsable de SOS Attentats, je propose de mettre notre expérience au service de la société pour qu’on puisse accompagner les victimes dans leur réinsertion quotidienne afin de leur retrouver une place adaptée à leur handicap au plan professionnel.

Vous demandez finalement à être davantage entendue ?
Certainement. Je crois que pendant trop d’années, j’ai prêché dans le vide. Aujourd’hui, on doit se tenir prêt, tout comme les services de police. Les expériences acquises pendant des décennies doivent permettent d’améliorer cette prise en charge. Il faut que tous les acteurs se tiennent prêts face à une menace qui représente les conséquences des politiques menées en général par nos gouvernants. Puisque M. Squarcini parle d’une menace particulièrement importante en Franc, montrons l’exemple au niveau français. L’Etat n’a pas su faire dans le passé ce que des victimes ont été capables de faire pour d’autres victimes. Il faut se servir de l’expérience de certains. Et l’Etat, actuellement, n’est pas suffisamment à l’écoute de ces expériences.

Anne-Charlotte Dusseaulx - Le Journal du Dimanche - Publié le 11 septembre 2010


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