« La menace terroriste est plus faible qu’avant le 11 Septembre »

MARC TRÉVIDIC juge d’instruction au pôle antiterroriste de Paris.

Marc Trévidic, a notamment en charge l’enquête sur l’attentat de Karachi au Pakistan.

Comment a évolué la menace terroriste en France depuis le 11 septembre 2001 ?
Marc Trévidic. Elle est aujourd’hui plus faible qu’avant le 11 Septembre. A l’époque Al-Qaïda était une organisation puissante et professionnelle.
C’est ce qui lui a permis d’organiser ces attentats si spectaculaires aux Etats-Unis. Il y avait un état-major, des zones d’entraînement à l’abri du territoire taliban et une plate-forme européenne à Londres. Les frappes américaines en Afghanistan et la lutte coordonnée des polices partout dans le monde ont modifié cet équilibre.

Si l’organisation Al-Qaïda est moins puissante, est-elle pour autant moins dangereuse ?
C’est un danger différent. Depuis dix ans, c’est l’idéologie qui a progressé et qui a gagné des adeptes. Le développement d’Internet facilite la création de mini-groupes, voire d’individus isolés qui s’autoradicalisent. La menace est en quelque sorte plus diluée et elle vient de l’intérieur. Le projet d’attentat de Times Square à New York récemment est ainsi le fait de citoyens américains, pas de « terroristes importés » et formés par l’appareil Al-Qaïda. Est-il plus facile de lutter contre une grosse tumeur que contre des métastases ? C’est la vraie question. Mais je ne vois pas un attentat du type de celui qui a frappé le World Trade Center se reproduire.

De quoi sont capables ces petits groupes ou ces terroristes solitaires ?
Monter une action kamikaze ne demande pas une grande préparation. Ce sont les moyens de faire mal qui ont changé. Aujourd’hui on peut faire autant de dégâts avec une bombe fabriquée sur Internet que lors de la vague d’attentats attribuée au GIA algérien en France.

Faut-il craindre des bombes sales ?
C’était la grande crainte après le 11 Septembre. On parlait de stocks de matière radioactive visés par Al-Qaïda et même du virus de la variole qui pourrait être utilisé. Le pire était envisagé. Mais ce type d’opérations demande du professionnalisme et c’est justement ce qui manque aux réseaux actuels. Les attentats réalisés ces dernières années sont beaucoup plus basiques dans leur mode opératoire.

La menace représentée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) est-elle réelle pour la France ?
L’organisation Aqmi est évidemment à surveiller et la région du Sahel où elle se réfugie aussi. Le Bassin méditerranéen est à nos portes. Mais le fait qu’Aqmi s’en prenne à nos intérêts ou à nos ressortissants en Afrique est paradoxalement un signe de sa faiblesse. Ses membres attrapent ce qui passe en quelque sorte, alors qu’ils préféreraient sans doute nous frapper sur notre sol. Mais il est plus difficile pour eux aujourd’hui de se projeter à l’étranger.

Parce que nos services de police et de renseignement sont plus vigilants ?
La France n’a pas découvert le terrorisme le 11 septembre 2001. Nous avons des outils de lutte très appropriés depuis plus de vingt ans. Beaucoup de pays nous ont copiés d’ailleurs. Mais il est vrai que les attentats ont rapproché les services de police de tous les pays. Nous échangeons mieux les informations. C’est un plus indéniable.

LeParisien.fr - Publié le 11 septembre 2011


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