AF 447 : ce que les enquêteurs du BEA n’ont pas dit

Des enregistrements contenus dans les boîtes noires n’ont pas été portés à la connaissance du public. Ils révèlent notamment que, dans un premier temps, les pilotes n’ont pas modifié leur route en dépit de conditions météo défavorables.

Les conversations de l’équipage du vol AF 447 peu avant le drame ne reflètent pas le professionnalisme que la corporation des pilotes cherche à dépeindre depuis le début de la semaine. Une source proche de l’enquête a donné, au Figaro, accès à une partie des enregistrements dans le cockpit (le CVR). Sur les deux heures d’enregistrement contenues dans les boîtes noires, seules dix minutes ont en effet été publiées, mais allégées de certains éléments à charge.

Il est 0h15 à bord du vol AF 447. Alors que tous les avions présents sur la zone ont choisi ou vont choisir de modifier leur route pour éviter une zone de cumulonimbus, le commandant de bord du vol AF 447 dit à son collègue : « On ne va pas se laisser emmerder par des cunimbs. » Les « cunimbs » sont les cumulonimbus chargés de glace qui peuvent entraîner un givrage des sondes Pitot. L’AF 447 est le seul avion, la nuit du 1er juin, à avoir poursuivi sur une route rectiligne. Il ne modifiera sa trajectoire que de 12 degrés en arrivant à proximité du phénomène météo. Il sera alors trop tard pour l’éviter. Vingt minutes avant le crash, le commandant de bord annonce : « Ça va turbuler quand je vais aller me coucher. » Puis au moment de quitter le cockpit : « Bon allez, je me casse. » Le commandant de bord est donc allé se coucher en connaissance de cause juste avant les turbulences qui ont marqué le début du drame.

Un autre élément n’a, pour l’instant, pas été porté à la connaissance du grand public. Les enquêteurs ont fait savoir, il y a une semaine, que le commandant de bord avait été recalé à son examen en janvier 2007 (son « adaptation en ligne ») avant de l’obtenir un mois plus tard. Personne n’est en mesure d’expliquer cet échec car, selon nos informations, deux ans après le drame, le Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) attend toujours le dossier « training » des pilotes susceptible de l’éclairer sur le niveau réel de l’équipage. Il espère pouvoir faire figurer ces éléments, qu’Air France n’a pas souhaité lui transmettre, dans son rapport définitif prévu pour le début 2012.

Dans l’entourage de l’enquête, on explique que ces éléments à charge n’ont pas été publiés pour protéger Air France et ses équipages, mais aussi parce qu’ils n’expliquent pas le drame. La récente polémique avec les pilotes est donc d’autant plus mal vécue par les membres du BEA qui assurent ne privilégier ni Air France ni Airbus. Un message qui est vigoureusement relayé par Thierry Mariani, ministre des Transports, ainsi que par le patron de l’enquête depuis le début de la semaine.

Rapport final en 2012

Selon la corporation des pilotes, il y aurait pourtant complot pour faire porter la responsabilité de l’accident sur l’équipage et préserver les intérêts aéronautiques français. Le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) a d’ailleurs décidé de sortir de l’enquête après avoir appris « par voix de presse » qu’une recommandation de sécurité relative à l’avion avait été retirée du rapport d’enquête peu avant sa publication. « Le SNPL n’apprend rien par voix de presse puisqu’il est associé à l’enquête depuis le début, explique une source proche de l’enquête. C’est même lui qui a insisté pour que des recommandations de sécurité soient émises pour limiter le choc qu’allait être le rapport pour Air France et ses équipages ». À la demande du SNPL, le BEA aurait intégré plus rapidement que prévu des recommandations de sécurité dans son rapport mais il a supprimé celle liée à l’ergonomie de l’avion au motif qu’elle n’était pas applicable dans l’immédiat. Cet élément sera publié dans le rapport d’enquête final début 2012. « Si les syndicats de pilotes sont tellement attachés à la transparence, vont-ils militer pour que les conversations qui ont eu lieu dans le cockpit soient publiées in extenso ?, questionne une source proche de l’enquête. Le SNPL a voulu être associé à l’enquête et maintenant que les conclusions ne lui conviennent pas, il cherche à salir la réputation du BEA. » Vendredi, personne n’était disponible au SNPL pour répondre aux questions du Figaro.

LeFigaro.fr

Publié le 05/08/2011


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