Fokker : des « trous d’air » dans le dossier du crash

A côté des débats techniques sur les causes du crash du Fokker à l’aéroport de Pau le 25 janvier 2007, il y a avant tout - et même si le pilote a évité le pire - le drame d’une famille.

Ca rit et ça chante dans la cabine de pilotage. La croisière s’amuse. Le pilote fredonne un morceau d’Elvis Presley. Ça décolle à plein tube avant l’envol ! Le ton est même un peu grivois, selon le président Marc Magnon.

Au dehors, le décor se fait plutôt tristounet. Il neigeote, la température extérieure est proche de zéro. Un A320 qui a décollé peu avant a même eu recours à une procédure de dégivrage. Le vol 7775 pour Paris a une petite heure de retard. Le Fokker 100 de la filiale d’Air-France Régional CAE, transportant 50 passagers, n’atteindra jamais la capitale.

« Merde... Ah la vache » ! Quelques minutes après la séquence rigolade non livrée en public, la voix du commandant de bord grésille dans l’enregistrement des boîtes noires diffusé dans la salle d’audience. A l’écran, l’avion en infographie tangue dangereusement au moment du décollage. Il s’incline à gauche, puis plus fortement sur sa droite et à nouveau sur l’autre aile qui heurte le sol. Dans le cockpit, aucun affolement. Le pilote Jean-Jacques Bertrand, avec un sang-froid assez remarquable, a rabaissé le nez de l’appareil qui a décroché en réduisant la puissance des moteurs. Le Fokker, autour de 10 h 28, est passé tout près de la catastrophe, ce 25 janvier 2007.

Le givre responsable

L’accident a duré un peu plus d’une minute trente. Une angoisse interminable pour les passagers et le personnel navigant. Et quelques blessures légères. Ça tiendrait presque du miracle ! Si, après avoir enfoncé le grillage d’enceinte de l’aéroport Pau-Pyrénées en bout de piste pour terminer sa course folle dans un champ, les 39 tonnes de l’avion lancées à 300 km/heure n’avaient pas pulvérisé au passage la cabine d’un camion benne circulant sur la départementale 289. Le malheureux conducteur, Michel Coupau, 53 ans, a été tué sur le coup dans des circonstances à tout le moins atroces. En laissant derrière lui une famille inconsolable.

Les experts sont catégoriques. L’accident a été provoqué par une formation de givre sur les ailes au décollage. La vitesse de l’appareil plus élevée que la norme dans ces conditions particulières a constitué la perturbation principale. En conjonction avec l’effet de surprise matérialisé par l’apparition soudaine devant le pare-brise de l’aéronef d’un vol de vanneaux huppés. Le pompier, préposé aux tirs d’effarouchement, pas plus que la tour de contrôle n’avait aperçu les volatiles sur la piste, observés toutefois aussi par des témoins.

Cinq ans après le drame, dont quatre consacrés à l’instruction du dossier, de nombreuses questions se posent toujours pour la justice, les trente parties civiles et la défense représentées par une dizaine d’avocats. On sent comme quelques trous d’air dans ce procès dominé, en cette première journée de débats, par un pointillisme technique, objet de bras de fer dans le prétoire. On tire à qui mieux mieux sur le manche à balai des griefs. Entre les pilotes et la compagnie aérienne, on se passe la patate chaude. L’avion n’était pas équipé du dégivrage automatique. En outre, le Bureau d’études des accidents (BEA) a noté que le contrôle tactile du gel sur les ailes n’a pas été effectué.

On se renvoie la balle

Les conseils des deux parties, Mes Rapaport et Chevreau (barreau de Paris) se renvoient respectivement la balle. Il n’y avait pas plus d’escabeau pour inspecter les ailes que de formation aux procédés anti-givrage proposée par la compagnie. Cela, en dépit de précédents accidents graves de Fokkers occasionnés par les mêmes causes. Le commandant de bord, ainsi que la société représentée par son PDG Jean-Yves Gross, sont poursuivis pour homicide et blessures involontaires et manquement à une obligation de prudence et de sécurité. Ce qu’ils contestent de concert.

Le drame humain a, à peine, été évoqué dans l’ordonnance de renvoi. Ce qui n’a pas empêché Me Thierry Sagardoytho, représentant la famille du chauffeur, de s’interroger : « La concentration du pilote était-elle suffisante dans l’ambiance très détendue de la cabine au moment du décollage ? »

Aucune faute technique n’a été cependant relevée. Non plus que de dysfonctionnement de l’avion. La veuve et le frère de la victime s’exprimeront ce matin. De douloureux témoignages. Suivront les autres parties civiles et le réquisitoire de la procureur Stéphanie Paguenaud. La défense plaidera en soirée. Tandis que le jugement devrait être mis en délibéré.

Jacques CAUBET, la République des Pyrénées le 8 novembre 2011.


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