Terrorisme : un Roannais face à Carlos

Vingt-huit ans plus tard, c’est pourtant le rail que le Roannais Xavier Johannès a choisi pour se rendre à Paris. En tant que partie civile, il assistera à l’ouverture du procès du terroriste Carlos, aujourd’hui à 9 h 30.

Il ne se passe pas un jour sans qu’il pense à l’attentat. Et quand il commence à l’oublier, des événements réveillent brusquement ses démons. « La première fois que ma fille a pris le train seule, il y a eu une alerte à la bombe. Cela ne laisse pas indifférent », souligne Xavier Johannès en esquissant un sourire. Un humour dont il a besoin pour dédramatiser la situation. La vie tient à peu de chose. Avant le drame, Michèle Johannès avait changé à trois reprises son billet pour se rendre dans la capitale. La presse avait pourtant parlé à l’époque d’un attentat raté parce que la bombe devait exploser au croisement de deux trains ; il avait fait trois morts et une trentaine de blessés.

Ostéopathe, son fils n’a pas souhaité être présent pendant tout le procès. « Je ne veux pas baigner dans une atmosphère morbide durant cinq semaines. J’estime être plus utile auprès de mes patients qu’assis sur un banc », précise-t-il. Cela fait des années qu’il se bat pour que le procès se déroule. À son approche, ce père de famille meurtri, âgé de 52 ans, est aujourd’hui à la fois excité et très fatigué. Un état difficile à définir qui contribuera à faire enfin son deuil : « J’ai l’impression d’aller passer un examen. Au final, il faut que cela passe… ».

Le Roannais s’était porté partie civile dès l’interpellation de Carlos en 1994 au Soudan, enlevé sans mandat d’extradition, sur ordre de Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur. « Un vrai homme d’État contrairement aux politiques que j’ai rencontré pour essayer d’accélérer la procédure ».

Malgré le temps perdu, il reste candide : « Je n’attends pas grand-chose. Seulement que la justice fasse enfin son travail ». Cet attentat a pourri la vie de Xavier Johannès, jusqu’à être une des causes de son divorce. « Attendre 28 ans pour qu’un procès s’ouvre, c’est affreux. Je voudrais que personne ne revive la même galère. Avec l’affaire Karachi, malheureusement l’histoire semble se répéter », confie-t-il.

Le quinquagénaire regrette la mise en scène de la vie de Carlos qu’il qualifie de « lâche », ainsi que la place que lui accordent les médias. « On m’a fait passer son interview dans Libération, c’est dégoulinant de connerie. Il fait l’éloge de l’islam révolutionnaire, d’Al-Qaïda. Pour lui, Ben Laden est un symbole. On veut faire un scoop à tout prix. Cela me gonfle de voir et d’entendre des propos qui stigmatisent les musulmans et mettent à mal l’islam français. Je préfère que l’on parle de Gandhi, Martin Luther King, de l’abbé Pierre, de personnes qui ont fait du bien. Il n’a pas prononcé le moindre mea culpa. Il va plaider non coupable. Comme dit Guy Bedos : « Je suis pour la mort de personne mais je regrette la naissance de certains », conclut Xavier Johannès.

Damien Lepetitgaland, le Progrès, le 7 novembre 2011


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