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Que s’est-il passé lors du premier procès ?

Lors du procès en première instance, le cœur de la bataille judiciaire a tourné autour de la faute supposée de Grande Paroisse : des produits incompatibles auraient été mis en présence dans le sas du hangar 221, provoquant l’explosion que l’on sait. Il a été notamment question d’une fameuse benne, vidée dans le sas le matin même, et qui aurait pu contenir du DCCNa provenant de la collecte des sacs usagés.
Le tribunal, dans son jugement, a estimé que des fautes avaient été effectivement commises, que des négligences pouvaient mettre en danger la sécurité de l’usine. Mais il a estimé ne pas disposer de preuve formelle permettant de relier les fautes (les négligences) et le dommage (l’explosion). On n’a jamais retrouvé cette fameuse benne, censée contenir le chlore détonateur. Établir le lien entre la faute et le dommage est obligatoire en matière correctionnelle, où l’on ne peut se contenter de « l’intime conviction » comme aux assises. D’où la relaxe.

Pourquoi un nouveau procès ?

Le ministère public a décidé de faire appel, car il n’est pas satisfait de cette décision : il avait réclamé une condamnation à trois ans de prison avec sursis et 45 000 € d’amende contre Serge Biechlin, et à 225 000 € d’amende à Grande paroisse. Les parties civiles ont suivi. On va donc tout rejuger, comme si le premier procès n’avait jamais existé.

Y a-t-il des éléments nouveaux ?

Il n’y a pas d’éléments nouveaux au dossier proprement dit, puisque l’on va en principe reprendre l’ordonnance de renvoi du premier procès. Mais l’on sait que du côté de la défense, les experts ont peaufiné et approfondi leurs recherches, ont renouvelé des expériences pour mieux attaquer celles de l’accusation. De son côté, l’association des salariés « Mémoire et solidarité » va présenter de nouveaux témoins à la barre de la cour.

Que peut-on attendre de ce procès ?

Les avocats de la défense vont sans surprise demander la confirmation du premier jugement, à savoir la relaxe. Pour les avocats des parties civiles, l’enjeu est bien sûr la condamnation de Grande Paroisse.

Pour Jacques Mignard, président de Mémoire et solidarité, l’association des anciens salariés : « Nous attendons des explications sur ce qui s’est passé, car nous n’avons pas eu de réponse, au premier procès. Nous aimerions en particulier approfondir deux choses : les événements précurseurs (acoustiques, électriques, lumineux) et le rôle des aéronefs, ces hélicoptères dont on a parlé en première instance et qui suscitent des questions. »

Jean-François Grelier, président de l’association des sinistrés du 21 septembre : « J’attends que l’industriel soit condamné, sur le périmètre le plus large possible, et je suis confiant : le jugement de première instance a permis de beaucoup avancer, notamment sur la responsabilité de l’entreprise, ses manquements et le rôle de la commission d’enquête interne. »

Du côté de Patrick Timbart, directeur délégué à Toulouse de Total : « Revivre ce procès, c’est feuilleter tous les jours le livre d’un drame douloureux. Nous, nous ne croyons toujours pas à l’hypothèse judiciaire. Et au fur et à mesure que cette hypothèse se fragilise, on dirait qu’un certain nombre de parties civiles voient « la main du diable » et suspectent la manipulation, l’entrave… La colère des victimes est normale, le reste est… un peu exagéré ! »

Pour Guy Fourest, président du comité de défense des victimes : « On attend enfin que les responsables de cette catastrophe soient condamnés, car nous, nous ne croyons pas à toutes ces hypothèses, comme par exemple celle d’un attentat. »

Enfin, Gérard Ratier, infatigable président des Familles endeuillées, n’attend « pas d’éléments nouveaux, mais j’espère que la justice ira jusqu’à la condamnation, même si je n’y crois pas trop. J’espère aussi que l’on aura compris ce que le jugement laisse entendre sur le rôle de la commission d’enquête interne de Total, et qu’on enfoncera le clou à ce sujet. »

Quand tout cela sera-t-il terminé ?

La Cour d’appel rendra son arrêt plusieurs mois après la fin des débats, peut-être en juin ou alors à l’automne. Quel que soit le verdict, il est encore possible qu’un recours en cassation puisse être interjeté. Mais le nouveau procès devant une cour d’appel ne se déroulerait pas à Toulouse. Et tout cela pourrait prendre encore… quelques années.

La Dépêche - Dominique Delpiroux - 3 novembre 2011


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