Procès Carlos : "un train éventré avec du sang à l’intérieur"

Vingt-huit ans après les faits, la cour d’assises spéciale de Paris a réveillé jeudi 17 novembre, à l’occasion du procès de Carlos, le souvenir "apocalyptique" de l’attentat meurtrier commis le 31 décembre 1983 dans la Drôme contre le TGV "Le Valenciennes", reliant Marseille à Paris.

"C’était l’apocalypse", témoigne Michel Richardot. Et pourtant, cet ancien directeur de la police judiciaire de la région Rhône-Alpes en a vu d’autres, des cadavres et des catastrophes. Mais, "ces images, 28 ans après, je les ai encore dans la tête".

La bombe qui explose ce soir-là à 19h42 dans la voiture n°3 du Valenciennes, au niveau de la commune de Tain L’Hermitage, fait trois morts et 13 blessés.

"morceaux de chair humaine"

"C’était d’autant plus terrible (...) de voir la détresse des gens qu’on était" le soir du réveillon, ajoute-t-il, en décrivant ce TGV éventré et ces débris que l’on retrouve 400 mètres plus loin dans les jardins ou sur les toits des maisons. "C’était assez marquant de lâcher le foie gras et les langoustes pour trouver un train éventré avec du sang à l’intérieur, une odeur de poudre et des morceaux de chair humaine", acquiesce Patrick Charnet, un autre enquêteur "traumatisé" par l’attentat.

Mais le cauchemar ne s’arrête pas là. Vingt-six minutes plus tard, un second colis piégé souffle la salle des consignes de la gare Saint-Charles à Marseille. Bilan : deux morts et 33 blessés.

Raids aériens à Baalbek

Une dizaine de revendications fantaisistes parviennent aux enquêteurs, mais le 2 janvier, deux appels à des agences de presse semblent plus sérieux : le correspondant anonyme revendique le double attentat ferroviaire au nom de l’Organisation de la lutte armée arabe et le justifie par les raids aériens menés par l’armée française six semaines plus tôt à Baalbek, au Liban, contre une base chiite pro-iranienne.

Le 3 janvier, deux courriers manuscrits, postés de Berlin-Ouest, confirment cette piste : reçus par l’Agence France-Presse et l’Associated Press, ils adressent un "message au peuple français de l’Organisation de lutte armée arabe (...) à la mémoire des martyrs de Baalbek".

Des lettres "écrites de la main de Carlos"

"Cette revendication nous paraissait la plus plausible", témoigne l’enquêteur à la retraite, Alain Helfrich, qui se souvient qu’une expertise a démontré que ces deux lettres "avaient été écrites de la main de Carlos".

En guise de contre-attaque, la défense relance la piste basque qui, selon elle, a été trop vite abandonnée. "La police le sait" que c’est le Groupe antiterroriste de libération (GAL), peste Carlos dans son box. Dans les années 1980, le GAL lutte clandestinement contre les séparatistes basques de l’ETA. Or, quatre semaines avant le double attentat du 31 décembre 1983, un indicateur espagnol annonce à la police française que le GAL projette une attaque contre "une gare et un train".

Un indic "affabulateur"

Une telle annonce, "c’est beaucoup plus et beaucoup mieux qu’une revendication !", s’exclame Me Francis Vuillemin, qui défend Carlos. Malheureusement, déplore sa consoeur, Me Isabelle Coutant-Peyre, "l’information est restée enfouie dans les services de police".

Pour l’accusation, qui décrit l’indic comme un "affabulateur", cette piste est farfelue. D’autant, pointe l’avocat général Olivier Bray, que le GAL n’était "pas suffisamment puissant pour organiser cet attentat".

"Le GAL avait plutôt tendance à se débarrasser de gens avec des armes automatiques", abonde Michel Richardot. Autrement dit, le groupe préférait les assassinats aux attentats. De plus, il "limitait vraiment son action au Sud-Ouest".

Ilich Ramirez Sanchez, alias "Carlos", est soupçonné d’avoir orchestré quatre attentats en 1982 et 1983 pour obtenir la libération de deux de ses compagnons d’armes.

Le Nouvel Observateur - AFP - 17 novembre 2011


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