17EME CEREMONIE DU 11 MARS : UN HOMMAGE EUROPEEN RENDU AUX VICTIMES DU TERRORISME, SOUS LA DEVISE « TOUJOURS UNIS »

Le 11 mars dernier, la FENVAC participait à la 17ème cérémonie européenne du souvenir des victimes du terrorisme. Contexte sanitaire oblige, cette cérémonie s’est déroulée en visio-conférence.

Afin de contextualiser la création de la journée du 11 mars, il faut se remémorer les attaques terroristes du 11 mars 2004 à Madrid, qui coutèrent la vie à 192 personnes et en blessèrent plus de 1800 autres. Cette attaque reste l’attentat le plus meurtrier d’Europe jusqu’à aujourd’hui.

Sous la devise « Always United », « Toujours Unis » en français, la Cérémonie a compté pas moins d’une centaine de participants en ce jour de solidarité et de soutien.

Alors que la cérémonie a commencé avec un prélude musical avec la présentation des photos de victimes, la visio-conférence a rapidement mis les victimes à l’honneur, qui ont courageusement porté leurs témoignages.

Une victime de nationalité allemande qui a perdu ses deux parents lors des attaques à Istanbul en 2016 devant la Mosquée Bleue a ainsi pu partager son deuil, sa colère, et le manque de soutien et d’informations de la part du gouvernement allemand. Après la sidération, vient le temps des réponses attendues : « pourquoi mes parents ? », comment cet attentat a pu se passer…autant de questions laissées sans réponse, et une colère, ajoutée à celle de la perte d’êtres chers, d’un gouvernement qui ne soutient pas ses concitoyens, et qui ne vient pas à leurs nouvelles. Après s’être sentie considérée comme une « victime de seconde classe » c’est alors que cette victime a pu partager son traumatisme et ses questions avec une association allemande de prise en charge des victimes du terrorisme.

Une autre victime, blessée par les explosions de bombes à Oslo le 22 juillet 2011, dans les quartiers du gouvernement norvégien, a indiqué s’être fait aidée grâce à un réseau de soutien de militaires qui prend régulièrement de ses nouvelles, et grâce à qui il a pu mettre des mots sur ses souffrances. Avant l’attentat, il a en effet été soldat, notamment en Bosnie et au Liban. Grâce à un groupe de soutien au niveau national dans une ONG norvégienne, il est désormais intervenant pour honorer la mémoire des disparus. Après avoir expliqué sa participation à la création du mémorial sur l’Ile d’Utoya, il affirmera préférer être vu comme un « survivant » que comme une victime.

Une autre victime endeuillée s’est exprimée quant à la perte de son fils dans les attentats de l’aéroport de Bruxelles le 22 mars 2016. Travaillant aujourd’hui avec des personnes handicapées, elle a souhaité porter des messages d’encouragement et d’espoirs, alors même qu’elle a vécu, comme elle le décrit, les pires 5 années de sa vie. La perte de son fils fut le début d’un long parcours tant sur les plans physique que psychique, qui a failli la mener au point de non-retour. Confrontée à la dépression, au syndrome de stress-post traumatique, aux cauchemars, à l’intrusion des médias, à la gestion de tous les aspects administratifs, elle dut faire face à une énorme pression, pour elle et sa famille. Après avoir eu le sentiment que les fondations de sa vie étaient complètement détruites, elle a pu se rendre compte, grâce au soutien du médecin de famille, de ses amis, de membres de sa famille, qu’il lui restait encore des raisons de vivre. De son histoire, elle considère qu’elle en a tiré des enseignements : apprendre à profiter de chaque journée, penser que toute vie humaine est très importante et irremplaçable, que la vie vaut le coup d’être vécue. Après avoir déclaré qu’« être entourée de personnes qui continuent de croire en vous alors que vous ne croyez plus en vous-même » était une étape cruciale dans la reconstruction, elle a alors tout naturellement affirmé que les victimes qui ont des réseaux de soutien moins développés sont encore plus vulnérables. Ainsi, son contact avec l’organisation pour les victimes du terrorisme en Belgique l’a beaucoup aidé, en même temps que ce sentiment d’être ensemble avec d’autres victimes. Elle a également évoqué le rôle de médiateur que ces associations jouent entre les décideurs politiques et les victimes.

Lors de cette cérémonie, différents ministres ont pris la parole.

Ainsi, Eduardo Cabrita, ministre de l’intérieur du Portugal, a rappelé l’importance des témoignages des victimes, et réaffirmé que nous sommes unis par nos valeurs européennes, toujours unis et réunis. Après avoir énuméré les récents attentats (dont l’attentat à la basilique de Nice, l’assassinat de Samuel Paty), ce sont 10 attaques terroristes qui ont eu cours ces trois dernières années en Europe. Aussi, à ce jour, plus de 1300 personnes ont perdu la vie à cause du terrorisme en Europe. Afin de rappeler que la lutte contre le terrorisme est essentielle, Eduardo Cabrita a mentionné les initiatives européennes pour lutter contre ce fléau : des procédures législatives pour permettre aux plateformes en ligne de jouer un rôle plus actif contre le terrorisme en ligne ; renforcer Europol dans son rôle dans le visage répressif européen afin d’assurer une meilleure coopération policière. Le ministre a rappelé l’importance de faire preuve de résilience, sans que l’Europe ne devienne pour autant une forteresse autoritaire.

Fernando Grande Marlaska, le ministre des affaires étrangères d’Espagne, a tenu à remercier toutes les forces de sécurité qui ont fait preuve de courage, ainsi que celles qui ont été déployées dans des missions à l’étranger. Il en a par ailleurs profité pour rappeler que l’Union Européenne a besoin d’une démocratie très solide, et la force ainsi que la résilience des victimes du terrorisme permettent de représenter ces valeurs de démocratie, inhérentes à l’Europe. Le ministre a également rappelé le rôle citoyen des différentes associations qui soutiennent les victimes, que ce soit sur un plan financier, social, psychologique, que ce suivi soit sur le court ou le long terme. Il a également salué le rôle de ces acteurs dans la réhabilitation de la mémoire.

Eric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux, est également intervenu via une allocution préenregistrée. (Retrouvez la version intégrale du discours dans le PDF attaché à cet article).

D’autres victimes présentes ont également eu la possibilité d’intervenir et de s’exprimer spontanément. Elles ont tour à tour exprimé la nécessité de la tenue de cette journée malgré le contexte de crise sanitaire, et le réel besoin de rassemblement et de soutien. Ces initiatives sont d’autant plus essentielles qu’elles permettent de lutter contre l’isolement des victimes et de panser leurs plaies, alors que dans certains pays les politiques de soutien aux victimes sont proches du néant.

Certaines victimes (notamment de l’attentat au camion de Berlin et des attentats commis par l’ETA) ont également évoqué la difficulté de se reconstruire lorsque les attentats dont elles ont été victimes, qui ont coûté la vie à leurs proches, ne sont pas résolus par les investigations, à savoir lorsque la réponse judiciaire a été partielle ou inexistante. Savoir « ce qu’il s’est réellement passé » devrait être un acquis pour chaque victime endeuillée d’un attentat. Alors que 300 actes de terrorisme basque n’ont pas été résolus à ce jour, ces personnes se sentent reniées dans leur qualité de victime.

Autre aspect important de cette cérémonie : la place des primo-intervenants, qui ont eu le droit à un temps de parole. Qualifiés de héros, que l’on n’oublie pas, et qui auront toujours une place réservée à la Cérémonie Européenne, de telles déclarations permettent à ces personnes de se voir reconnaitre dans leurs souffrances et dans les actes courageux qu’elles ont entrepris pour sauver des vies.

Une primo-intervenante de l’attentat de Nice, infirmière à l’époque, s’est déplacée de sa propre initiative sur les lieux de l’attentat pour essayer de sauver le plus de vies possible. Elle a pu exprimer les bouleversements que ce jour a eu dans sa vie personnelle et professionnelle : un choc post traumatique, une carrière professionnelle brisée, et une incompréhension qu’aucune instance, mis à part les associations, ne la reconnaissent comme victime.

La Cérémonie a pris fin en présentant le Centre d’expertise de l’Union Européenne pour les victimes du terrorisme, qui repose sur deux piliers de compétences : la création de manuels et la mise en place de formations. Ces initiatives ont à cœur de s’assurer que les victimes du terrorisme puissent jouir de leurs droits tout en bénéficiant d’experts sur les traumatismes psychologiques.
Les manuels auront quant à eux comme objectifs d’éveiller les consciences sur les droits et besoins des victimes, tout en permettant aux autorités nationales de bien appliquer les règles européennes en matière de droits des victimes.

Par ailleurs, la création d’un coordinateur européen pour les droits des victimes, fonction aujourd’hui occupée par Mme Mme Janicka – Pawloska, est à saluer.

La FENVAC salue le travail exemplaire du RAN-VT (Radicalization Awareness Network – Victims of Terrorism), groupe de travail de la Commission Européenne dédié au soutien des victimes du terrorisme au niveau européen, dans l’organisation de cette cérémonie par visio-conférence.

Nous rendons hommage à toutes les victimes du terrorisme, qu’il soit islamiste ou non.

Nous rendons hommage à celles qui ne sont plus là pour s’exprimer ; à celles qui ont survécu ; à celles qui ont perdu un être cher ; à celles qui ont eu la force de s’exprimer et de partager leur témoignage de courage et de résilience.

Nous n’oublions pas.

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Pour revoir la cérémonie dans son intégralité, cliquez sur ce lien : https://twitter.com/EUHomeAffairs/status/1369929235050168324?s=20

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